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[CRITIQUE] : L'Abbé Pierre - Une vie de combats


Réalisateur : Frédéric Tellier
Acteurs : Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz, Antoine Laurent,...
Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 2h18min

Synopsis :
Né dans une famille aisée, Henri Grouès a été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris, révolutionnaire et iconoclaste. Des bancs de l’Assemblée Nationale aux bidonvilles de la banlieue parisienne, son engagement auprès des plus faibles lui a valu une renommée internationale. La création d’Emmaüs et le raz de marée de son inoubliable appel de l’hiver 54 ont fait de lui une icône. Pourtant, chaque jour, il a douté de son action. Ses fragilités, ses souffrances, sa vie intime à peine crédibles sont restées inconnues du grand public. Révolté par la misère et les injustices, souvent critiqué, parfois trahi, Henri Grouès a eu mille vies et a mené mille combats. Il a marqué l’Histoire sous le nom qu’il s’était choisi : l’Abbé Pierre.



Critique :


Dans un paysage cinématographique contemporain sérieusement occupé (voire gangrenné, n'ayons pas peur des mots) par des productions simplistes usant inlassablement la même formule établie et éprouvée, le biopic plus ou moins ciblé se sent parfois (souvent) comme la proposition la plus cheap et facilement déclinable du marché.

La quasi-intégralité de ses films ne sont souvent guère plus que des exercices glorifiés de gestion de figures populaires/icônes, articulés entre des passages obligés savamment cochés, des performances d'acteurs plus ou moins grimés à la perfection et une intrigue distribuant avec plus ou moins de finesse, des informations biographiques approuvées.

Copyright Jérôme Prébois

Du cousu main en somme, quand bien même certaines de ses mises en images se fond des éloges/hommages importants, auxquels il est impossible ou presque de ne pas adhérer un minimum.
Et c'est tout le paradoxe derrière l'entreprise bien intentionnée mais maladroite qu'incarne L'Abbé Pierre - Une vie de combats de Frédéric Tellier, sur laquelle il est difficile de taper autant sur son sujet que sur son honnêteté (célébrer l'immense humanité d'Henri Grouès, surnommé l'Abbé Pierre, avec un regard plus moderne que les deux précédentes odyssées cinématographique), même si la forme et le fond eux, font parfois un poil plus tiquer.

Fresque ambitieuse qui retrace chronologiquement l'histoire et les étapes importantes qui ont émaillées la vie toute en dévotion pour les autres, de ce grand homme (avec, en parallèle, l'évolution de la société française intimement liée à ses actions et ses luttes), montré comme un véritable combattant - tout est dans le titre -, depuis son humble exil de l'ordre des Capucins en 1939 jusqu'à sa création et le développement du mouvement Emmaüs, sans oublier son engagement dans la Résistance; le film n'oublie rien, coche savamment toutes les cases d'un cahier des charges justement chargé comme une mule, mais le fait sans forcément approfondir chacun de ses passages au-delà de la simple évocation, notamment dans un dernier tiers particulièrement rushé.

Copyright Jérôme Prébois

Le tribu de jouer la carte de l'hagiographie convenue voulant contenir toute une vie en une petite poignée d'heures (2h20 au compteur), quand bien même ce péché d'orgueil, qui répond presque métaphoriquement au portrait que le film fait de l'Abbé Pierre, a le bon ton de privilégier un versant intime, n'hésitant pas à pointer la vulnérabilité et les zones d'ombres du personnage (une ambiguïté qui, il est vrai, aurait pu être plus embrassée, notamment dans son rapport à la religion), aussi bien qu'à célébrer certaines figures importantes de sa vie, sa plus proche collaboratrice en tête, Lucie Coutaz.
La mise en scène aussi souffle d'ailleurs tout autant le chaud et le froid, entre sobriété et élans iconiques appuyés, urgence et effets de style pas toujours bien amenés.

Mais dans ce moment de cinéma finalement plus tiède qu'il n'aimerait l'être, Benjamin Lavernhe se fait un phare solide chez qui le spectateur peut s'ancrer (tout comme Emmanuelle Bercot, qui peut s'avérer extraordinaire lorsqu'elle est bien dirigée), incarnant avec puissance le déterminisme et le dévouement sans bornes de son sujet, même si sa composition tourne, un brin, vers le mimétisme forcé dans un dernier tiers (les dernières années de l'Abbé Pierre) définitivement catalyseur des fragilités du film.

Copyright Jérôme Prébois

Pas aussi catastrophique que l'illustration artificielle que fut le récent Simone, Le Voyage du Siècle, qui lui aussi se perdait (plus vite, cela dit) dans son énumération scolaire du parcours vibrant d'une figure décidée à lutter contre toutes les formes d'injustices, L'Abbé Pierre - Une vie de combats se fait un devoir de mémoire loin d'être adroit mais pourtant essentiel et noble dans le message qu'il véhicule, à une heure où la solidarité, le partage et l'entraide ne semblent plus réellement avoir de sens dans la France d'aujourd'hui.
Paradoxal qu'on vous dit...


Jonathan Chevrier