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[CRITIQUE] : La Vénus d'argent


Réalisatrice : Héléna Klotz
Avec : Claire Pommet, Niels Schneider, Sofiane Zermani, Grégoire Colin, Anna Mouglalis, Mathieu Amalric,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h35min

Synopsis :
Jeanne a 24 ans. Elle vit dans une caserne en banlieue avec son père gendarme, son petit frère et sa petite sœur. Elle a fait le pari de réussir sa vie dans le monde de la finance. Pas pour la gloire ou le luxe, mais parce que c’est le moyen qu’elle a trouvé pour gagner sa liberté.



Critique :


Un incipit sur pellicule, presque comme une vraie profession de foi, qui met tout en suite dans l'ambiance.
Dans une nuit qui engloutit une capitale parisienne peuplé de fantômes, un scooter traverse, déterminé, les beaux quartiers, territoire urbain indompté et indomptable pour les non-initiés, glacial puisque réservé à ceux qui peuvent rêver du luxe, désert contemporain d'un consumérisme qui ne fait que diviser une humanité aux abois.

Et aux abois justement, Jeanne l'est, vingt-quatre ans au compteur et une vie familiale flanquée dans une caserne, parce que papa est gendarme et maman est partie, costume pesant qu'elle endosse pour les plus jeunes du foyer.
C'est en quête d'un nouveau costume qu'elle se lance, moins métaphorique mais tout aussi riche en symbolisme, tant est si bien qu'elle fracasse une vitrine, le vol sans sourciller pour s'en aller affronter dès le lendemain, le monde de la finance et espérer y faire son trou, petit bassin élitiste et viril boursouflé de piranhas ne se mélangeant pas avec le reste de l'océan.

Copyright Pyramide Distribution

Simple, limpide et d'un lyrisme détonnant, en une poignée de minutes, Héléna Klotz pose les bases de son nouvel effort, La Vénus d'argent, exploration intime d'une jeunesse en quête d'émancipation et de pouvoir, arpentant l'âge d'adulte avec un mélange d'espoir et de désespoir, déterminé à vivre de sa passion et à gagner sa liberté, coûte que coûte.
Confinée dans le périmètre discipliné et anxiogène d'une caserne pour le métier de son père, Jeanne rêve de ce pouvoir, de ce désir de capitaliser sur sa passion et son talent pour les mathématiques financières.

De son parcours et de la lente torsion de son quotidien (où elle passe, finalement d'un monde toxique à un autre, mais dans une dynamique de pouvoir et de détermination totalement inversée, puisque la toxicité de son univers professionnel revêt pour elle, un vrai lieu de liberté), la cinéaste va dresser un formidable récit de mutation identitaire, scrutant son combat acharné pour se réapproprier la politique et le pouvoir du corps dans une réalité professionnelle majoritairement masculine et solidement campés sur ses préjugés; un monde d'apparat faits de fantômes, de calculs et d'instinct, aussi somptueusement inquiétant qu'il est d'une vérité vénéneuse.

La vitre qu'elle brise, frontalement, pour s'y payer un ticket d'entrée, prix qu'elle a - littéralement - payé de son propre sang (une blessure profonde à la poitrine, tout un symbole), est un véritable rite de passage, son acceptation du coût qu'intime un univers aussi hostile et inconstant que mué par un sentiment de tout-contrôle illusoire, qui forgera la construction de son identité en tant que jeune femme obstinée à reussir, suspendue entre les genres, entre le jour et la nuit, entre ce qu'elle est et ce qu'elle devient, veut devenir.

Copyright Pyramide Distribution

Furieusement ancré dans une désacralisation lucide d'un monde contemporain hiérarchisé et au bord de l'implosion, La Vénus d'argent, à la fois marquée par un érotisme palpable et quelques saillies fantastiques étonnantes (la photographie glaciale et stylisée de Victor Seguin, la présence vampirique de Anna Mouglalis, le fétichisme bestiale pour la nuit, le rappel constant à la mythologie), incarne une œuvre joliment complexe et réfléchie, in fine moins thriller sur le monde de la finance que pur récit initiatique et identitaire, où une Claire Pommet (très) convaincante se fait une déesse des temps modernes, l'artisane de son propre monde.

Une très belle découverte, pas exempt de quelques défauts (des personnages secondaires un peu trop taillés à la serpe, en tête), mais réellement fascinante.


Jonathan Chevrier


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