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[CRITIQUE] : Goodbye Julia


Réalisateur : Mohamed Kordofani
Avec : Eiman Yousif, Siran Riak, Nazar Goma, Ger Duany,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Soudanais, Suédois.
Durée : 2h00min

Synopsis :
Une étrange amitié lie une riche soudanaise musulmane du Nord à une soudanaise chrétienne du Sud démunie après la mort de son mari. Que cache la sollicitude de l’une envers l’autre ?



Critique :


Au sein d'une distribution annuelle de plus en plus dense, ce qui est à la fois une bénédiction (on ne compte plus les belles découvertes au fil des mercredis) et une source de frustration incroyable (car il est humainement impossible de tout voir, sauf cas exceptionnels), il n'est désormais plus rare de voir l'émergence d'œuvres issus d'industries en pleine essor, squatter des salles obscures au milieu de grosses productions rutilantes américaines, où de comédies populaires bien de chez nous.

Un éclectisme qui est aussi bien une chance (certains films se font des instantanés d'histoires et de problématiques méconnues, issus de pays qui n'ont pas réellement l'habitude de squatter nos plateformes et périphéries d'informations) qu'une force, et que l'on se doit se préserver en ouvrant, justement, nos horizons au moins autant que les petits distributeurs courageux, tentant des paris souvent à la lisière du casse-gueule - pour rester poli.

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Nouvelle preuve en date ce mercredi avec, entre autres, Goodbye Julia, estampillé premier long-métrage du wannabe cinéaste de Mohamed Kordafani, plongée au cœur de la troisième guerre civile soudanaise, à l'aube de la sécession du Sud, majoritairement chrétien, et de son indépendance face au nord qui est lui, sensiblement musulman.
À ce contexte historique tendu (et qui l'est encore plus aujourd'hui), se noue un double portrait de femmes fascinant et tragique, Mouna et Julia, deux faces d'une même pièce (la première est une bourgeoise du nord, la seconde est une sudiste au statut résolument plus modeste), liées par des conventions et des idéologies anxiogènes, par la culpabilité et le mensonge (le mari de Mouna a tué celui de Julia, poussant celle-ci a embauché la seconde comme domestique), par la mort et la détresse - sentimentale comme économique.

Une amitié profondément allégorique donc, pour laquelle le cinéaste, qui n'a pas peur d'embrasser à pleine caméra les stéréotypes faciles voire éculés, joue autant la carte de l'équité dans sa double perspective complexe (chacune à sa personnalité suffisamment approfondie, au-delà même de leur relation), que celle intelligente de l'impartialité (aucun jugement à l'horizon, ni même d'orientalisme politique).

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Dommage dès lors, qu'il se laisse aller à quelques fioritures superflus (ses intrigues secondaires) au moment d'aborder son dernier virage, tant sa mise en exergue lucide de la connexion fragile et sous tension (mais, paradoxalement, pas dénuée d'espoir) entre les deux pôles du Soudan, n'avait pas besoin d'être complexifié davantage, pour être plus juste.
Une excellente surprise, noble et feministe, qui offre un regard nécessaire et actuel sur une réalité soudanaise arrivant rarement jusqu'à nous.


Jonathan Chevrier