[CRITIQUE] : Cesária Évora, la diva aux pieds nus
Avec : Cesária Évora
Distributeur : Epicentre Films
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Portugais
Durée : 1h34min
Synopsis :
Cesária Évora chante son titre Sodade en 1992, la faisant reconnaître internationalement à 51 ans. Longtemps simple chanteuse de bar au Cap-Vert, la légende que l’on connaît n’a pas toujours connu la gloire sinon la pauvreté. Femme profondément libre, généreuse et bien entourée, la “Diva aux pieds nus” a su finalement faire briller sa musique à travers le monde tout en restant fidèle à son Cap-Vert, la consacrant reine de la Morna et reine des coeurs.
Critique :
À l’image de son titre, simple et sans détour, #CesariaEvoraLaDivaAuxPiedsNus extrait avec talent l’essentiel de la chanteuse, sa voix, sa présence. Cesária Évora gardait la porte de sa maison toujours ouverte et le documentaire en est une parfaite métaphore. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/TUtBqamT8j
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 9, 2023
Sa voix exprimait la douleur comme personne et portait l'âme de son archipel, le Cap-Vert, comme un emblème. Cesária Évora s’est éteinte en 2011 mais son aura demeure ainsi que ses chansons, qu’elle a su exporter en Europe et aux États-Unis. À la suite d’un long et laborieux travail d’archive, la réalisatrice portugaise Ana Sofia Fonseca lui rend hommage dans un documentaire qui dresse un portrait loin d’être lisse et hagiographique. Si on en croit les images que l’on nous montre, Cesária Évora n’en aurait pas pris ombrage, au contraire.
Copyright Pierre René-Worms/Epicentre Films |
La diva aux pieds nus, comme on l’appelait, a su se faire une place dans le monde de la musique par la force de sa voix et par un caractère bien trempé, qu’elle n’édulcorait pour rien ni personne. Produire un documentaire sur une personne décédée s’apparente parfois à faire resurgir un fantôme, mais dans le cas qui nous intéresse, Cesária Évora ne fait pas figure de fantôme, au contraire. La cinéaste fait le choix de n’inclure aucune image de ses intervenants et de n’utiliser que leur voix. Ce sont eux les fantômes, les invisibles tant la diva prend toute la lumière et tout l’espace. De tous les plans, son nom sur toutes les langues, passées et présentes, Évora n’est pas seulement sujet, elle est le film.
Cette voix-off polyphonique nous présente ceux et celles qui l'ont côtoyé de près, son manager José Da Silva, sa petite-fille Janette, son majordome et confident Piroc, des amies d’enfance… Chaque voix nous dévoile un pan de son histoire, de sa vie, de son état d’esprit. Elle n’est plus seulement la chanteuse, mais la femme, la figure maternelle, l’entêtée, la rebelle. Une partition hétérogène qui n’est jamais voyeuriste malgré l’intimité de ce qu’on nous raconte, ses addictions, ses maladies. Ce n’est pas voyeuriste car les images parlent d’elle-même. Cesária sourit aux caméras, rabroue les gens qui l’entourent, impose son charisme à la ronde. Ce n’était pas une femme secrète, il est logique que le documentaire qui lui est consacré épouse ce naturel désarmant.
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Parce qu’il est impossible de les dissocier, Cesária Évora, la diva aux pieds nus utilise des plans de coupe du Cap-Vert, comme des respirations mais aussi comme un miroir de ses chansons qui parsèment le film. Elle qui cherchait des cap-verdiens dans chaque pays qu’elle visitait, qui allait manger des plats chez eux, comme s’il lui fallait toujours être reliée à sa terre natale, à son odeur, à sa langue. Loin d’être dissonant parmi les images d’archives, ces plans forment des moments de recueillement pour cette terre, qui a perdu sa meilleure voix mais pas son âme. À l’image de son titre, simple et sans détour, le documentaire de Ana Sofia Fonseca extrait avec talent l’essentiel de la chanteuse, sa voix, sa présence. Cesária Évora gardait la porte de sa maison toujours ouverte et le film en est une parfaite métaphore, nous entrons dans l’antre du talent avec des yeux et des oreilles grandes ouvertes.
Laura Enjolvy