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[CRITIQUE] : Conann


Réalisateur : Bertrand Mandico
Avec : Elina LöwensohnChrista ThéretJulia Riedler, Claire Duburcq,...
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Fantastique, Drame, Action.
Nationalité : Français, Luxembourgeois, Belge.
Durée : 1h45min

Synopsis :
Parcourant les abîmes, le chien des enfers Rainer raconte les six vies de Conann, perpétuellement mise à mort par son propre avenir, à travers les époques, les mythes et les âges. Depuis son enfance, esclave de Sanja et de sa horde barbare, jusqu'à son accession aux sommets de la cruauté aux portes de notre monde.



Critique :


On avait laissé le cinéma si atypique et dégoulinant d'érotisme sale de Bertrand Mandico, avec son film dit de la " confirmation ", After Blue (Paradis Sale), fantasme kaléidoscopique d'un cinéaste canalisant toutes ses références (de Krull à Barbarella en passant par Emmanuelle ou encore Apocalypse Now), au cœur d'une vision exaltante d'une humanité désenchantée, d'un Eden pourri et décadent qui ne pouvait que mal tourner.
Un ami de la famille quoi.

Toujours héritier des cinémas hybrides de Lynch, Tarkovski et Jodorowski (et dont l'inspiration graphique découle une nouvelle fois autant du surréalisme horrifiant de Walerian Borowczyk, que d'un cauchemar de Kaneto Shindō), il nous revient en ses dernières heures de la (très) riche année ciné 2023 avec Conann, nouvelle épopée déglinguée et captivante entre le conte de fées sombre et l'obsession hyper-violente de la chair et de la sexualité, qui s'inspire de la mythique histoire du plus grand des Cimmériens, immortalisé à l'écran par Arnold Schwarzenegger et John Milius (oublions Conan le destructeur de Richard E. Fleischer, et encore plus le remake de Marcus Nispel).

Copyright UFO Distribution

Relecture féministe, dystopique et surtout très libre en six chapitres comme autant d'époques distinctes (de la préhistoire au Bronx sombre dans des 80s déformés), des aventures du personnage crée par Robert E. Howard, le film se fait une pure odyssée pulp à la fluidité fantasmagorique folle (le film a tout d'une séance interdite et underground tout droit sortie de la fin des 70s), catapulté au cœur d'un monde boursouflé de mysticisme et de violence, où le sang coule au moins autant que les paillettes, où les épées sont bien plus qu'un symbole phallique, où l'incarnation ultime de la virilité testostéronée, iconique et primitive se fait désormais femme.

Un personnage troublé et troublant, qui doit apprendre à s'aimer, à embrasser - littéralement - son avenir en mourant de ses propres mains (dans un mélange d'érotisme et d'auto-adoration, symbole des transformations métaphoriques et de l'ambivalence de l'être humain au fil des âges), pour mieux évoluer et grandir (son initiation à l'âge adulte, passe d'ailleurs par l'engloutissement forcé de sa propre mère), qui doit apprendre à embrasser de manière croissante une barbarie immortalisée/préservée par l'image, pour mieux survivre, affirmer son pouvoir et devenir, en quelque sorte, éternelle.

Copyright UFO Distribution

Point final de sa trilogie de la vie après la mort (Les Garçons sauvages serait le Paradis, After Blue le purgatoire et donc Conann les enfers), songe irréel et déviant entre l'espace, le temps et les genres (l'héroïc fantasy, le polar urbain sauce bis rital post-apocalyptique,...), dont la charge onirique débordante ne domine cette fois plus totalement un récit certes facile (qui peut se résumer certes, il est vrai, en un long flashback d'actes barbares qui ont jalonnés l'existence de Conann, une mémoire ravivé par un Cerbère terrifiant - Rainer -, qui se fait un narrateur à la fiabilité relative) mais prenant; Conann se fait une expérience à part, le carnaval chaotique et acide d'âmes aussi désenchantées que les terres qu'elles arpentent, théâtre de la dépravation à la violence intimement mélancolique.

Une séance exigeante, poétique, cruelle et brutale, définitivement la plus aboutie de Bertrand Mandico.


Jonathan Chevrier


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