[CRITIQUE] : Le Ravissement

Réalisatrice : Iris Kaltenbäck
Acteurs : Hafsia Herzi, Alexis Manenti, Nina Meurisse, Younès Boucif,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h37min.

Synopsis :
Comment la vie de Lydia, sage-femme très investie dans son travail, a-t-elle déraillé ? Est-ce sa rupture amoureuse, la grossesse de sa meilleure amie Salomé, ou la rencontre de Milos, un possible nouvel amour ? Lydia s’enferme dans une spirale de mensonges et leur vie à tous bascule....

Critique :

Dénué de jugement facile, #LeRavissement décortique les tréfonds d'une âme seule et désespérée, cherche à la comprendre dans toute sa complexité tout en sondant autant la complexité des fondements du mensonge, que le bouleversement d'une naissance au travers d'une amitié complice pic.twitter.com/TGy6lfgGx3
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 10, 2023

Discrètement mais sûrement, forte de choix qui l'a font explorer toutes les nuances de son jeu d'actrice, au point même d'être capable désormais d'alterner entre la réalisation et le jeu avec une facilité absolument déconcertante, Hafsia Herzi détonne, rayonne mais surtout impressionne sans le moindre effort, imposant un peu plus sa marque au fil des films, au sein d'un septième art hexagonal qui, n'ayons pas peur des morts, n'aurait pas été aussi captivant sa présence lumineuse depuis près de deux décennies désormais, et son explosion du côté du cinéma d'Abdellatif Kechiche (le magnifique La Graine et le mulet).

Un de ses talents rare et précieux, qui peut nous vendre un film et nous pousser à se rendre en salles sur sa seule et unique présence, autant que de ceux capables de relever les menus défauts d'une écriture et/où d'une mise en scène ne les mettant jamais assez en valeur - voire même les deux.

Mais de tels lacunes, il n'y en a point à la vision du premier - et brillant - effort écrit et réalisé par Iris Kaltenbäck, Le Ravissement, merveille de drame protéiforme taillé à la serpe (et inspiré, de loin, d'un fait divers), dont l'étude de personnage au féminin, à la fois fouillée et radicale, n'est pas sans rappeler la rudesse (et la justesse) du cinéma de Todd Haynes - dont le récent May December.
Ce personnage, c'est Lydia, une sage-femme investie qui aime profondément son métier, aime guider les femmes tout au long du travail et de l'accouchement, de sa voix douce et de ses gestes sûrs - la sagesse de son titre n'est absolument Pas usurper.
Une femme douée d'empathie et, de facto, follement empathique.

Mais une fois les portes de l'hôpital franchit, son existence se fait plus rugueuse, elle dont le célibat abrupte - qu'elle cache - ne lui laisse que sa meilleure (et seule) amie, Salomé, qui est sur le point de devenir mère, comme unique personne sur qui compter, pour qui compter.
Arpentant les rues de Paris pour lutter aussi bien contre l'insomnie que la solitude, elle croisera la route d'un chauffeur de bus, Milos, une rencontre d'un soir qui aurait dû le rester (pour lui, bien qu'elle tombe vite amoureuse) mais qui, par la force des choses, va lui faire franchir une frontière impensable, la laisser se perdre dans un mensonge fou, démesuré, dévastateur...

Toute la puissance du Ravissement, dont la double résonance est loin d'être anodine, se retrouve-là, dans le truchement du basculement d'une âme dont on ne sait jamais réellement si elle est une manipulatrice innée, ou si elle n'est in fine, qu'une victime de sa propre vie faite de secrets et de mensonges, ou comment en mentant aux autres on ne fait que se mentir à soi-même, à être surpassé par l'artificialité jusqu'au point où l'on ne fait plus de différence entre la réalité et l'illusion que l'on s'est créé.
Dénué de tout jugement putassier, Kaltenbäck décortique les tréfonds de cette âme solitaire et désespérée, cherche à la comprendre dans toute sa complexité, tout en sondant autant la complexité des raisons/fondements du mensonge, que le bouleversement d'une naissance au travers non pas d'un couple, mais d'une amitié fusionnelle.

Une séance passionnante, anxiogène et toute en nuance, dominée par la performance incroyable de Hafsia Herzi.
Le Ravissement où la naissance d'une future cinéaste à suivre de très près, à n'en pas douter.

Jonathan Chevrier