[CRITIQUE] : L'Air de la mer rend libre

Réalisateur : Nadir Moknèche
Acteurs : Youssouf Abi-Ayad, Kenza Fortas, Saadia Bentaïeb,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h30min.

Synopsis :
Rennes, de nos jours. Saïd habite encore chez ses parents. Il vit une liaison secrète avec Vincent. Incapable d’affronter sa famille, il accepte un mariage arrangé avec Hadjira. Après une histoire d’amour malheureuse et quelques démêlés avec la justice, elle aussi s’est résignée à obéir à sa mère. Piégés par leurs familles, Saïd et Hadjira s’unissent malgré eux, pour retrouver, chacun de son côté, leur liberté.

Critique :

Avec bienveillance, #LAirDeLaMerRendLibre croque la chronique d'un mariage arrangé moderne, dénué de clichés et de préjugés faciles, où chacun accepte de subir un quotidien morne et bardé de mensonge, pour vivre une liberté, même artificielle, expurgée de tout jugement extérieur. pic.twitter.com/8leYlwsXIH
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 3, 2023

Le titre du nouveau long-métrage de Nadir Moknèche, que l'on avait laissé avec le très beau Lola Pater en 2017 (douce comédie dramatique façon portrait de femme fin et attachant, d'une Fanny Ardant plus farouche et captivante que jamais, en père devenue mère au fil du temps et qui voit débouler dans sa vie, un fils qu'elle n'a jamais réellement connu), est d'une vérité difficilement discutable : oui, " l'air de la mer rend libre " où, tout du moins, nous rapproche d'une certaine liberté.

Quelle soit agitée ou paisible, elle a un pouvoir presque mystique, indescriptible, qui détent les corps et les âmes, le rythme de ses vagues poussent à la méditation, à l'introspection.
Et d'agitation il y en a, définitivement, dans les existences et dans les cœurs des protagonistes titres de L'air de la mer rend libre, magnifique drame dénué de tout sentimentalisme putassier et frappé d'une délicatesse rare.

On y suit les aléas de trois personnages comme autant de pièces du puzzle fragmenté d'un tout fragile : Saïd (remarquable Youssouf Abi-Ayad), un jeune homosexuel de vingt-trois ans qui tait sa sexualité à ses parents, au point même de céder à leur pression pour qu'il se marie.
Dit mariage qui va le lier à Hadjira (pétillante Kenza Fortas), qui quitte Miramas pour Rennes et un quotidien diamétralement opposé, même si son futur époux a du mal à oublier Vincent, son ancien amant, qu'il tente de revoir quelques minutes avant leur mariage...

Pour son sixième effort, Nadir Moknèche plonge, avec humour et mélancolie, dans les vérités et les secrets troubles d'un mariage arrangé et arrangeant - dans tous les sens du terme -, sondant comment deux êtres se laissent enfermer, non sans ironie (l'un pour masquer son homosexualité, l'autre pour faire oublier un passage par la case prison), dans un moule traditionnel archaïque par deux mères aussi soucieuses des apparences qu'eux, pour mieux le faire imploser de l'intérieur de part leurs personnalités, leurs contradictions et leurs attitudes dissemblables (Hadjira se réfugiera dans la religion et dans une amitié rafraîchissante avec sa voisine, là où Saïd se perdra dans un enchaînement de rencontres sans lendemain, parfois dégradantes).

Avec tendresse et bienveillance, Moknèche croque la chronique d'un mariage arrangé moderne, dénué de clichés et de préjugés faciles, où chacun accepte de subir - tout en se soutenant - le quotidien morne et bardé de mensonge d'une union sans amour ni sincérité (avec la pression d'un enfant en bandoulière, pour contenter tout le monde), pour vivre une liberté, même artificielle, expurgée de tout jugement extérieur.
Comme souvent avec le cinéaste, l'air - dans le sens mélodique, évidemment - de L'air de la mer rend libre est des plus agréables et enchanteur.

Jonathan Chevrier