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[CRITIQUE/RESSORTIE] : L'Amour Fou


Réalisateur : Jacques Rivette

Acteurs : Bulle Ogier, Jean-Pierre KalfonAndre S. Labarthe,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Romance.
Nationalité : Français.
Durée : 4h12min.

Date de sortie : 15 janvier 1969
Date de ressortie : 13 septembre 2023

Synopsis :
Claire et Sébastien vivent ensemble. Sébastien est metteur en scène de théâtre et Claire comédienne. Elle s’apprête à jouer Hermione dans une mise en scène d’Andromaque de Racine que Sébastien et sa troupe répètent, sous l’œil d’un réalisateur de télévision qui filme leur travail. Lors d’une répétition où elle peine à dire son texte, elle quitte brusquement le théâtre. Sébastien la remplace, au pied levé, par Marta, son ancienne femme. Tandis qu’au théâtre les répétitions avancent, Claire, seule dans son appartement, perd pied peu à peu.



Critique :


Longtemps inédit (incroyable travail de restauration signé par Les Films du Losange et de la directrice photo Caroline Champetier), L'Amour Fou de Jacques Rivette, adoubé par un récent passage du côté de la Croisette (il a fait l'ouverture de la section Cannes Classics), se paye une ressortie toute pimpante dans les salles obscures, via une restauration 4K qui ne peut que pointer la beauté d'un cinéma qui représentait avec puissance et rigueur, le spectacle incandescent qu'est la vie.

Véritable vestige d'un mouvement, d'une époque (la Nouvelle Vague), d'un cinéaste (de loin, l'un des plus importants de l'histoire du cinéma hexagonal) désormais disparu, le film se fait le symbole d'un cinéma d'autrefois, de ses racines essentielles auxquelles il faut viscéralement s'accrocher, un important rappel du passé à une heure où l'on fustige (plus ou moins à raison) autant une durée de films trop longue (ici, on dépasse avec gourmandise les quatre heures de bobines).qu'une production annuelle à l'éclectisme difficilement accessible à tous.
Le vestige d'un cinéma qui n'avait pas peur de réfléchir sur lui-même, sur son rôle (social, politique, artistique), son importance (allant souvent au-delà des frontières françaises), qui n'hésitait pas à s'aventurer dans des zones inconnues, à oser et expérimenter, tout simplement.

© LES FILMS DU LOSANGE

Et d'expérimentation, il en est pleinement question ici, fusion entre l'aspect documentaire du cinéma-vérité et le théâtre (et sa psychologie), à travers la mise en scène d’Andromaque de Racine, mission que se lance un metteur en scène, Sébastien, obsédé par le désir de trouver une nouvelle approche du texte.
La tragédie du récit va vite s'entrechoquer à une autre plus intime, la lente et violente décomposition qui déchire le couple que forme Sébastien avec Claire, comédienne.
Où quand la mise en scène et le processus créatif de l'un, vient bousculer le naturel de l'autre, où quand le désir de contrôle d'un homme par la fiction, se transforme en une apathie consentie quand il quitte la scène, où quand un amour fou sur papier et sur scène, se transforme en amour fou hors d'elle.
Ou quand l'implosion de l'un, fait naître l'autre.

Authentique, profondément avant-gardiste et expérimental, tant sa volonté est de toujours donner du sens à ce qui est représenté, dans un élan libre et libérateur (qui, aussi dingue que cela puisse paraître, n'est qu'une simple forme définitive d'un film qui, justement, pourrait en connaître des dizaines d'autres), L'Amour Fou saisit, renverse dans sa manière cyclique (interprétation-vie-interprétation, et inversement) d'unir et de déchirer l'art et l'amour, deux actes reliant les singularités jusqu'à, parfois, en perdre la raison.
Une œuvre de cinéma incontournable, à une heure où de telles expériences n'ont, quasiment, plus aucune chance d'exister.
Plus qu'un amour fou, un monde fou...


Jonathan Chevrier