[CRITIQUE] : Un Métier sérieux
Réalisateur : Thomas Lilti
Acteurs : Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin, William Lebghil, Lucie Zhang, Théo Navarro-Mussy, Bouli Lanners,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Comédie, Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h41min.
Synopsis :
C’est la rentrée. Une nouvelle année scolaire au collège qui voit se retrouver Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils sont rejoints par Benjamin, jeune professeur remplaçant sans expérience et rapidement confronté aux affres du métier. A leur contact, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.
Critique :
Plus que de simplement dénoncer ce qui ne fonctionne pas (ou plus), avec #UnMétierSérieux, Lilti et son exceptionnel casting privilégient la solidarité et l'optimisme sans pour autant se confondre dans la naïveté, et signe un hommage juste et plein d'affection au corps enseignant pic.twitter.com/6sNmk9ByEd
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 9, 2023
Il y a une réelle dichotomie au coeur de la comédie hexagonale ayant pour cadre l'univers impitoyable de la jungle scolaire, tant une - petite - majorité incarne clairement un regard réaliste (et souvent à la lisière du documentaire) sur un système éducatif sensiblement à l'agonie (et qu'on ne cherche résolument pas à sauver), alors qu'une autre joue pleinement la carte de la gaudriole rarement drôle, cherchant à divertir un public résolument jeune, quand bien même la plupart s'inspire de matériaux déjà popularisés sur papier (la saga Ducobu en tête).
Copyright Les Films du Parc - Rémy Grandroques |
Rares sont alors celles capable d'être à la fois drôle et juste dans leur constat social, ce qui fait dès lors du nouveau long-métrage de Thomas Lilti, Un Métier Sérieux, tout comme le récent - mais opposé - La Cour des miracles du tandem Carine May/Hakim Zouhani, si ce n'est un miracle, au minimum un vrai petit bout de feel good movie juste et attachant dans son regard authentique sur la vérité du terrain de l'école publique.
Une séance essentielle, à une heure où le gouvernement, qui assume avec décontraction son incompétente, multiplie les polémiques ridicules (l'abaya) pour ne pas avoir à affronter de front, les problèmes urgents qui gangrènent son bon fonctionnement et sa sérénité.
Que Thomas Lilti se penche sur le système éducatif n'a au fond rien d'anodin, au-delà d'une apparenté personnelle au milieu (sa mère était professeur), il avait déjà décortiqué en long, en large et en travers un autre service public peut-être encore plus à la dérive - la santé.
Cette fois, il privilégie un prisme choral, s'attachant à plusieurs enseignants et enseignantes d'un même établissement - un collège de la région parisienne -, tout en nouant son récit autour d'un petit nouveau (Vincent Lacoste, tout un symbole au sein de sa filmographie), un remplaçant contractuel apprenant le métier sur le tas, en grande partie grâce à la solidarité de ses collègues.
Copyright Les Films du Parc - Rémy Grandroques |
C'est de son arrivée, un peu comme pour Hippocrate finalement, que nait cette plongée captivante et vraie dans la réalité de l'envers du décor du métier d'enseignant, que ce soit à travers l'exercice de leur fonction ou au cœur de leur intimité.
Des âmes aussi bien portées par la passion authentique d'accompagner les générations de demain, qu'usées par le poids de plus en plus imposant du costume, qui vient percuter (voire parfois briser) leur quotidien au-delà même des murs du collège.
Des êtres courageux mais continuellement acculés dans les cordes, tiraillés entre un pouvoir public qui serre la vis plus que de raison, une jeunesse de plus en plus difficile à canaliser et à instruire, et une hiérarchie bottant continuellement en touche et ne cherchant qu'à couvrir ses arrières, à la moindre menace de vagues.
Chacun n'a que deux bras pour colmater les trous de la coque d'un navire - l'éducation nationale -, fonçant à fond les ballons sur les montagnes rocheuses du chaos.
Jonglant habilement entre la comédie positivement engagée et le drame social touchant et sincère, ne tombant jamais dans le misérabilisme facile où le pathos de supermarché, Lilti croque un regard crédible et lucide sur l'enseignement (entre enthousiasme, frustration, résignation, mépris et partage) aussi bien qu'une observation affûtée des maux qui menace de faire imploser de l'intérieur, une société française ayant déjà atteinte les/ses limites depuis trop longtemps.
Copyright Les Films du Parc - Rémy Grandroques |
Plus que de simplement dénoncer ce qui ne fonctionne pas - où tout simplement plus -, le cinéaste et son exceptionnel casting d'habitués (mention, encore une fois, à Louise Bourgoin, Vincent Lacoste, William Lebghil et Adèle Exarchopoulos) privilégient la solidarité et l'optimisme sans pour autant se confondre dans la naïveté, et signe un hommage juste et plein d'affection au corps enseignant.
Modeste dans sa forme mais d'une importance capitale dans son fond, Un Métier sérieux se fait on ne peut plus actuel, et incarne l'une des séances les plus immanquables de cette rentrée ciné.
Jonathan Chevrier