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[CRITIQUE] : Déserts


Réalisateur : Faouzi Bensaïdi
Acteurs : Fehd Benchemsi, Abdelhadi Talbi, Rabii Benjhaile...
Distributeur : Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français, Allemand, Belge, Marocain, Qatari.
Durée : 2h00min.

Synopsis :
Mehdi et Hamid travaillent pour une agence de recouvrement à Casablanca. Les deux pieds nickelés arpentent des villages lointains du grand sud marocain pour soutirer de l'argent à des familles surendettées...



Critique :


Le cinéma marocain va définitivement très bien en cette agréablement surprenante année ciné 2023, merci pour lui.

Au crépuscule d'un été particulièrement exceptionnel, le pays du soleil levant avait déjà brillé par quatre fois dans nos salles obscures, que ce soit via le bouillant La Meute de Kamal Lazraq (un premier effort tout en fureur et en désespoir, façon plongée sans concession dans le quotidien violent d'hommes à la marginalité imposée et sans aucune échappatoire, dans une Casablanca vénéneuse), le puisant Les Damnés ne pleurent pas de Fyzal Boulifa (entre le réalisme Loachien et le mélodrame italien, un cocktail hybride et audacieux, logé entre la comédie dramatique socialo-familial, et le road movie désenchanté), le vertige sensoriel Animalia de Sofia Alaoui (petite claque SF pourtant chiche en effets, qui prône une unité de tout, une vision holistique de l'humain au travers d'une intime et captivante transformation spirituelle) et le joli feel good délirant Abdelinho de Hicham Ayouch (un chouette moment de cinéma léger et surréaliste, prônant avec bienveillance la tolérance et la nécessité de lutter pour ses convictions).

Copyright Dulac Distribution

Il faudra désormais ajouter une cinquième pierre à l'édifice avec Déserts, le cinquième long-métrage de Faouzi Bensaïdi, tragi-comédie scindée en deux parties bien distinctes, à la fois film à sketchs presque Coenien au sous-texte politique marqué, et western poético-existentialiste qui perd littéralement de vue ses personnages (un temps) titres.

Ambitieux, peut-être parfois trop pour son bien (ce qui n'est, en soit, pas tant un défaut à la vue de la majorité des sorties récentes), vissé sur les atermoiements de de deux agents de recouvrement d'une agence à Casablanca, les " bras armés " d'un capitalisme aussi abjecte qu'absurde, qui s'en va saigner des villages désertiques et une population surendettée et furieusement démunie, déjà gentiment acculé par le conservatisme et la corruption institutionnalisée.
Leur odyssée cocasse et - évidemment - infructueuse, prendra un tout autre tournant avec la rencontre d'un braqueur de banque/fugitif au parcours peut être encore plus cabossé que le leur...

Copyright Dulac Distribution

Sensiblement décalé et captivant, exposant justement les maux d'une société marocaine acculée - la précarité et le capitalisme galopant, opposée aux restrictions d'un patriarcat étouffant -, Déserts, à la fois cruelle, drôle et émouvante, se fait une douce et inventive curiosité qui vaut décemment son pesant de pop-corn, et encore plus dans une rentrée ciné pourtant riche en séances de qualité.


Jonathan Chevrier