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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Adieu ma concubine


Réalisateur : Chen Kaige
Avec : Leslie CheungZhang Fengyi, Gong Li, Lu Qi,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Hongkongais, Chinois.
Durée : 2h53min

Date de sortie : 17 octobre 1993
Date de ressortie : 16 août 2023

Synopsis :
Douzi et Shitou se rencontrent à l'académie de l'opéra de Pékin. Amis dès le premier jour, les deux garçons sont les acteurs principaux de l'opéra "Adieu ma concubine". Lors de la tournée, Douzi tombe amoureux de son ami mais celui-ci préfère les charmes de Juxian, une prostituée. Lorsque Shitou veut épouser la jeune femme, cette décision aura de sérieuses conséquences sur leur amitié.



Critique :


Il y a quelque chose d'exceptionnel, presque aussi rare qu'une Palme d'Or partagée, dans le fait de voir que deux films aussi dissemblables que peuvent l'être La Leçon de Piano de Jane Campion, et Adieu ma concubine de Chen Kaige (sans doute la figure majeure - avec Zhang Yimou - de ce qui est considéré comme la cinquième génération de cinéastes chinois) tous deux simultanément lauréats du Saint Graal de la réunion Cannoise cuvée 1993, partagent cette notion d'aller dramaturgiquement parlant, constamment droit au but.

Deux chefs-d'œuvres qui transcendent ambitieusement leur postulat de départ, tout en ne s'embarrassant jamais de quelconques fioritures, qui tutoient l'universel tout en prônant une certaine perfection cinématographique, précise et harmonieuse, lyrique et grandiose.

Copyright 1993 TOMSON (HONG KONG) FILM CO. LTD.

Le bijou de Kaige, adaptation du roman éponyme de Lilian Lee, s'échine à croquer deux films en un, qui n'ont de cesse de communiquer entre eux : une fresque historique panoramique couvrant un demi-siècle de l'histoire chinoise moderne (XXème siècle), et le mélodrame bouleversant dans les coulisses du célèbre opéra de Pékin, où comment les mutations d'une nation sous tension (l'occupation japonaise et la révolution Xinhai, l'avènement de la République de Chine, la montée en puissance puis la prise de pouvoir communiste, la Révolution culturelle,...), la " naissance " de son versant moderne, est opposée à la lente déliquescence - mort - d'un art ancestral.
Le tout à travers le regard d'une amitié masculine tout aussi changeante et tragique, qui doit s'adapter aux évolutions sociales, économiques et doctrinales tout en pleurant, comme son pays, un temps qui est révolu.

Soit celle qui unit Shitou et Douzi, deux orphelins qui vont se lier d'amitié au cœur d'une académie de l'Opéra de Pékin, qui a tout d'un orphelinat infernal où ils sont brutalement formés, dans le sang et les larmes, au métier - le premier aux rôles masculins, le second aux rôles féminins.
Devenus célèbres à l'âge adulte, grâce à leurs interprétations d'opéras traditionnels - dont Adieu ma concubine -, Douzi ne cache plus son amour pour Shitou, mais sa passion n'est pas réciproque, celui-ci préfère épouser une ancienne prostituée, Juxian...

Copyright 1993 TOMSON (HONG KONG) FILM CO. LTD.

Épopée somptueuse, renversante et baroque, vissée sur une poignée de marginaux sociaux dont les métiers ancestraux ont jusqu'ici survécu à tous les régimes - même à la modernité -, Adieu ma concubine sonde autant le fondamentalisme des diverses idéologies et institutions chinoises, que la violence destructrice et sacrificielle de la passion, au travers d'une amitié vampirisée par la jalousie, le chagrin et une révolution culturelle cannibale.
Avec une justesse déchirante et une profondeur psychologique incroyable, il démasque la laideur derrière l'éclat et le raffinement de la scène, les recoins sombres et machiavéliques derrière chaque époque, la vérité douloureuse des cœurs emportés par la tragédie de l'histoire.

Tout en délicatesse et en puissance, Chen Kaige étreint cinquante ans d'histoire(s) chinoise dans un songe rugueux et flamboyant, unit l'intime aux mutations totalitaires de toute une nation troublée et à une double passion ambiguë (théâtrale et sentimentale), qui asséchent lentement mais sûrement l'humanité d'un trio Leslie Cheung/Zhang Fengyi/Gong Li absolument phénoménal.
Une merveille d'une authenticité et d'une beauté à couper le souffle.


Jonathan Chevrier


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