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[CRITIQUE] : Animalia


Réalisatrice : Sofia Alaoui
Avec : Oumaïma Barid, Mehdi Dehbi, Fouad Oughaou,…
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique.
Nationalité : Français, Marocain.
Durée : 1h30min

Synopsis :
Itto, jeune marocaine d’origine modeste, s’est adaptée à l’opulence de la famille de son mari, chez qui elle vit. Alors qu’elle se réjouissait d’une journée de tranquillité sans sa belle-famille, des événements surnaturels plongent le pays dans l’état d’urgence. Des phénomènes de plus en plus inquiétants suggèrent qu’une présence mystérieuse approche. Seule, elle peine à trouver de l'aide…



Critique :


Pour un cinéphile un tant soit peu averti, la cinéaste marocaine Sofia Alaoui est loin d'être un visage inconnu, elle qui avait été récompensé du César du Meilleur court-métrage en 2021 avec le magnifique Qu'importe si les bêtes meurent, petit bout de cinéma méditatif et poétique déjà à la croisée des genres (ici le drame à la lisière du documentaire, un fantastique discret voire même une science-fiction tout droit sorti du Hollywood des 50s), où elle questionnait les notions de croyance au travers des atermoiements d'un jeune berger (et de son père), en pleine quête spirituelo-existentialiste.

De doute et de remise en question de la tangibilité du monde et de l'existence (encore une fois avec une approche très proche du documentaire), il en est également question au cœur de son premier long-métrage définitivement singulier et peu orthodoxe, Animalia, une expérience purement sensorielle à la fois ésotérique et énigmatique, flanqué dans un Maroc contemporain dont elle fustige tous les vices.

Copyright Ad Vitam

On y suit l'odyssée physique et métaphysique d'Itto (formidable Oumaïma Barid), une jeune femme enceinte qui a tout d'un poisson hors de l'eau, jamais réellement à sa place au sein de sa nouvelle famille " d'adoption " : elle est une jeune femme berbère aux origines modeste, la où la famille de son époux, pleinement ancrée dans la bourgeoisie marocaine, est humainement condescendante et déconnectée de la réalité; une déconnexion symbolisée par sa belle-mère autoritaire, qui trouve Itto indigne d'épouser son fils préféré (et avec laquelle la moindre discussion, menace de faire imploser cette fausse quiétude familiale).
Mais lorsque toute sa belle-famille est retenue hors de la maison, plusieurs événements inexplicables, fruit d'une entité surnaturelle/supérieure perturbante, viennent littéralement bousculer son existence...

Mélangeant harmonieusement réalisme et surréalisme, naturel et surnaturel, merveilleusement logée entre The Tree of Life du roi Malick, et le magnifique Premier Contact de Denis Villeneuve, Animalia se fait une œuvre protéiforme, autant ode à la nature et à la question de la place de l'humain dans cette unité complexe, que critique féroce envers une société marocaine fortement stratifiée (richesse, revenus, sexualité, croyances,...) et à l'idéologie aliénante - surtout pour les femmes.

Copyright Ad Vitam

En traitant de l'interdépendance de tout dans notre univers, au travers de nombreuses interrogations philosophiques et existentielles dont elle se garde de donner des réponses faciles, en épousant l'incertitude la plus totale pour mieux remettre en cause l'endoctrinement de toute une vie, en admettant l'insignifiance de l'humanité face à l'immensité du cosmos, ce tout inconnu et indescriptible; Sofia Alaoui, résolument imprégnée de la pensée taoïste, croque un premier effort joliment surréaliste, à la fois intimidant et grandiose, contemplatif et onirique.

Esthétiquement à couper le souffle (merveilleuse photographie éthérée de Noé Bach), véritable vertige sensoriel logé à la frontière entre la conscience humaine et l'immensité du cosmos, Animalia, chiche en effets et pourtant plus dans le vrai que la quasi-intégralité des bandes SF récentes, prône une unité de tout, une vision holistique de l'humain au travers d'une intime et captivante transformation spirituelle.
Une belle de claque.


Jonathan Chevrier