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[CRITIQUE] : Flux Gourmet


Réalisateur : Peter Strickland
Acteurs : Asa Butterfield, Gwendoline Christie, Ariane Labed, Fatma Mohamed, Makis Papadimitriou, Richard Bremmer,...
Distributeur : Filmo TV
Budget : -
Genre : Drame. 
Nationalité : Américain, Britannique, Hongrois.
Durée : 1h51min

Synopsis :
Un collectif de musiciens, qui n'arrive pas à choisir de nom, s'installe dans un centre consacré à la gastronomie et aux performances culinaires. La dynamique dysfonctionnelle du groupe, en proie à des rivalités internes, est encore amplifiée lorsqu'ils doivent rendre des comptes au directeur du centre. En plus de ces tensions, et tout en consignant les actions du collectif, le "dossierge" du centre connait des troubles gastriques de plus en plus conséquents. Les différences créatives mènent à la guerre.



Critique :


À la différence des autres folies magiques gravées par Peter Strickland sur la pellicule (le cinéaste de l'étrange le plus fascinant de sa génération - avec Yorgos Lanthimos), Flux Gourmet est difficilement dissociable de notre réalité actuelle.
Si jusqu'à présent, tout marqueur de modernité dans ses œuvres (de vrais hommages fétichistes et sans prétention à l'horreur européene vintage, surtout le cinéma bis rital de 70s) servait à obscurcir davantage son propos, il en épouse cette fois tous les travers, explore sardoniquement la décadence crasse des élites à une époque de pénurie et de chaos, dans une farce volontairement méchante et macabre, flanquée dans l'univers de l'art contemporain (qu'il aborde, quoiqu'on en dise, avec un respect indiscutable).

L'histoire se déroule dans un domaine isolé (tout droit sortie d'un conte horrifique de la Hammer), où les habitants sont dévoués à la myriade de possibilités sensorielles que peut offfir la nourriture, fixé à un point de vue étranger à ce collectif : un journaliste, profondément sceptique face aux expériences et paralysé par la menace de flatulences extrêmes...

Copyright Bankside Films, IFC Productions I

Toute la vision savoureusement décalée du cinéaste est vouée ici à l'exploration des propriétés sensorielles impénétrables de la bouffe (et, moins frontalement, des forces tout aussi primaires du sexe, du pouvoir et de la mort), en nous catapultant avec férocité dans un incroyable voyage vers... nulle part.
Les images titillent les papilles et les sons créent l'illusion des trois dimensions, dans une frénésie synesthésique où les ponts entre les différents sens sont élevés pour mieux être détruits - parfois dans un même mouvement fantastique -, où Strickland joue avec les artifices et les stimulis offerts par le septième art, pour mieux nous catapulter dans un malaise profondément ambiguë et hostile où la beauté et l'exquisité se font les définitions du rejet et de la nausée.

Rarement un cinéaste ne nous aura ramené avec autant de folie et de fureur, avec autant d'absurdité et de justesse, avec autant de rire et de terreur, à notre réalité puante, au non-sens de notre société contemporaine qui s'enfonce lentement mais sûrement dans les limbes.

Copyright Bankside Films, IFC Productions I

Raffiné et subversif, généreux et fétichiste as hell, Flux Gourmet est une fausse œuvre indigeste et prétentieuse mais un véritable plat d'exception, un met excentrique qui sait pertinemment qu'une fois servi, nous ne pourrons qu'en voir la réalité pourrie derrière.
Encore une fois, le Strickland nouveau est un diamant noir onirique et aride (encore plus dans son humour), qui ne plaira pas à tous les publics, mais rendra fabuleusement fou les adorateurs de son cinéma.


Jonathan Chevrier


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