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[CRITIQUE] : Élémentaire


Réalisateur : Peter Sohn
Acteurs : avec les voix de Adèle Exarchopoulos, Vincent Lacoste,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Animation, Comédie, Famille.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
Dans la ville d’Element City, le feu, l’eau, la terre et l’air vivent dans la plus parfaite harmonie. C’est ici que résident Flam, une jeune femme intrépide et vive d’esprit, au caractère bien trempé, et Flack, un garçon sentimental et amusant, plutôt suiveur dans l’âme. L’amitié qu’ils se portent remet en question les croyances de Flam sur le monde dans lequel ils vivent...



Critique :


Rarement la firme à la lampe, au-delà d'arpenter de plein pied pour la première fois, le terrain sinueux mais toujours savoureusement cotonneux, de la romance (dans un riff affirmé de Roméo et Juliette, avec l'amour interdit entre deux éléments qui ne peuvent pas s'unir - tout du moins, en apparence -, l'eau et le feu), aura traité d'un thème aussi personnel pour son auteur - ici Peter Sohn - que cruellement d'actualité dans une Amérique (un monde ?) déchiré par la division et la xénophobie.
Bien que la parabole soit aussi légère qu'un loukoum, il est difficile d'ignorer la pertinence du propos sur l'immigration qui habite le splendide Elemental, de loin le plus émouvant et inspiré film Pixar depuis Coco.

Pensé à quatre plumes (Sohn, John Hoberg, Kat Likkel et Brenda Hsueh), le film arpente avec justesse autant le statut d'immigrant dans une terre résolument hostile, que celui tout aussi difficile d'enfants d'une famille d'immigrés, souvent écrasés par le poids des sacrifices parentaux et obligés de répondre aux attentes (souvent erronées) qu'ils placent en eux, dans une sorte de rétribution de ces dits sacrifices, par la poursuite d'une voie toute tracée d'avance.

Copyright 2023 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Avec tendresse, le film met sagement en évidence les contradictions autant que les drames qui se produisent lorsque les deux parties, enfants comme parents, ont des aspirations différentes et ne semble jamais vraiment honnête l'une envers l'autre.
Mais s'il traite avec pertinence de la xénophobie et des dilemmes familiaux, c'est bien d'amour dont il est réellement question dans le nouvel effort du papa du Voyage d'Arlo, et sa propension à jouer avec le fameux dicton du " les contraires s'attirent ", avec deux âmes vulnérables qui n'ont rien en commun intérieurement et physiquement (même d'un point de vue classe sociale), et dont le plus grand handicap est l'incapacité de pouvoir se toucher par peur d'être instantanément évaporé.

Un gimmick un brin cruel qui permet à leur relation de se développer de manière organique, plus profonde, qui permet à Sohn de déjouer la familiarité et la prévisibilité de son histoire, par la force d'une éloquence rare mais surtout par un soin tout particulier alloué à ses personnages (tout autant qu'à leur animation, en constante évolution), vendant dès lors joliment ce qui aurait facilement pu être une romance sans intérêt.

Copyright 2023 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Si l'on pourra tiquer sur deux, trois détails (le fait qu'Element City ressemble un peu trop à l'agglomération tentaculaire de Zootopie, quelques souci de rythme, un doublage FR totalement à côté de la plaque,...), Élémentaire est la preuve élémentaire (pardon) que Pixar a retrouvé pleinement son mojo après quelques errances, que Pixar a retrouvé son goût du défi tout en étant capable de croquer des histoires irrésistiblement humaine et au charme authentique.
Une sacrée bonne nouvelle pour un sacré bon film.


Jonathan Chevrier


Copyright 2023 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Nous n’avions pas vu de Pixar originals (c’est-à-dire non rattachés à une saga) au cinéma depuis mars 2020. En Avant, de Dan Scanlon, était sorti quelques semaines avant le début du confinement. Peter Sohn signe ici son deuxième long métrage après le timide mais émouvant Le voyage d’Arlo (2015). Élémentaire traverse les éléments pour mieux les mélanger. Flam et Flack, deux êtres que tout oppose, bravent les obstacles afin de vivre à cœur ouvert leur amour. Mais ce nouveau film est aussi très personnel à son réalisateur qui offre, au travers de son récit, un puissant hommage à ses parents.

Pixar connaît une courbe descendante depuis un certain temps dont on relève quelques pépites (Soul pour ne citer que lui). Entre les accusations d’agressions sexuelles tuées dans l'œuf, une restructuration importante, les franchises dont ils ne peuvent plus se passer parce qu’elles rapportent mais qui tue à petit feu leur flamme créatrice,... Pixar vit des moments tourmentés. Après le box-office décevant de Buzz l’Éclair, précédent effort du studio, le nouveau film de Peter Sohn se doit d’avoir les épaules solides parce qu’il porte une grande responsabilité : montrer au monde que Pixar n’a rien perdu de sa superbe, tant au niveau créatif qu’au niveau financier (on se doute bien qu’on ne verra plus d’autres Pixar au cinéma si celui-ci se plante).

Copyright 2023 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Élémentaire nous embarque au sein d’une mégalopole, la bien nommée Element City, où tous les éléments vivent en osmose. Tous, vraiment ? C’est ce que pensaient les parents de Flam quand ils émigrent à la suite de catastrophes naturelles dans leur pays d’origine, Fireland. La réalité les rattrape vite quand ils s’aperçoivent que rien n’est fait pour les accueillir. Le métro, qui fonctionne avec de l’eau, manque de les éteindre. L'officier de la douane ne prend pas le temps de les comprendre et les renomme pour plus de facilité. Personne ne veut leur louer un bien. C’est dépité qu’ils se réfugient dans une maison abandonnée que Brul, le père de Flam, transformera en boutique spécialisée pour le peuple du feu. Avec les années et l’arrivée massive de ce peuple à Element City, tout un quartier se construit, en marge des quartiers chics des peuples de l’eau, de l’air et de la terre. Le parallèle avec les banlieues est tout trouvé.

C’est dans cet esprit communautaire que grandit Flam qui n’a qu’une obsession : reprendre le magasin une fois son père à la retraite. Mais voilà que celle-ci est peut-être trop “explosive”. Flam ne se contrôle plus quand elle est confrontée à une clientèle “difficile” (pour ne pas dire chiante, pardonnez-nous l’expression). Alors qu’elle s’enflamme dans la cave pour se calmer (à l’image de Colère dans Vice-Versa), de l’eau s’échappe des tuyaux, dont un inspecteur très émotif mais aussi consciencieux, Flack. D’ici découle tout l’enjeu du film, celui de sauver la boutique d’une possible fermeture administrative. Tout les oppose. Leur élément, leur caractère. Flam est téméraire, impulsive mais tait ses émotions. Flack est passif, un peu désabusé, et possède une sensibilité à fleur de peau. De leur rencontre hasardeuse naît un tendre amour, contrarié par ce qui les entoure. Mais cette contrariété est cependant centrée sur leur incompatibilité vis-à-vis de leur élément respectif et non d’une incompatibilité de classe liée à leurs éléments, ce qui déséquilibre considérablement la parabole du film.

Copyright 2023 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

C’est quand Élémentaire s'intéresse à sa thématique culturelle et sociétale qu’il est le plus pertinent. Tout ce qui entoure l’histoire d’amour, certes un peu banale mais dont la portée politique n’est pas à renier, est à mettre au premier plan puisque c’est ce qui donne au film sa sensibilité et son intérêt. De la bonhomie de Flack, nonchalant parce qu’il est issu d’une classe dominante, à la difficulté de Flam de trouver un équilibre entre ses propres désirs et ce qu’elle pense devoir à ses parents pour les sacrifices qu’ils ont effectué, le film creuse cette partie semi-autobiographique et y trouve de quoi se refléter à notre réalité. Le récit suit une logique fluide, de péripéties en péripéties, mais apporte de l'eau au moulin concernant la métaphore. Un nouveau monde s'ouvre à Flam par le biais de Flack, un monde qui lui avait refusé tout privilège et rêve. 

Si l’on peut voir cette fluidité narrative comme un défaut, la fluidité visuelle est, elle, à sanctifier. Dans un mouvement perpétuel, au diapason avec les flammes qui se meuvent et l’eau qui ondoie aux moindres mouvements, Élémentaire prouve que Pixar est toujours à la recherche de la perfection. La preuve en est, le film nous offre ce que le studio fait de mieux, des moments suspendus où lumière et couleur proposent un enchantement visuel. On retiendra cette magnifique escapade sous-marine pour y trouver une fleur rare ou une simple virée nocturne en scooter, sous un pont, d’où s’écoule l’eau du métro. C’est ce que l'on retient chez Pixar. Ces moments où, comme par magie, les films touchent à l’intime pour transformer nos émotions en poésie.


Laura Enjolvy