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[CRITIQUE] : Les Herbes Sèches



Réalisateur : Nuri Bilge Ceylan
Avec : Deniz CeliloğluMerve DizdarMusab Ekici,...
Distributeur : Memento Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Turque.
Durée : 3h17min

Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.

Samet est un jeune enseignant dans un village reculé d’Anatolie. Alors qu’il attend depuis plusieurs années sa mutation à Istanbul, une série d’événements lui fait perdre tout espoir. Jusqu’au jour où il rencontre Nuray, jeune professeure comme lui…


Critique :


Dans une petite ville d'Anatolie, où le paysage estival bardé des fameuses herbes sèches qui donne leur titre au film, est écrasé par une épaisse couche de neige en hiver, les âmes semblent s'emballer presque au moins autant qu'elles se déchirent.
Jusqu'ici tout va bien, le spectateur n'est pas dépaysé et nous sommes bien dans un film Nuri Bilge Ceylan, lui qui pose sa caméra dans un paysage isolée à la fois infranchissable et claustrophobe, presque aussi ambivalent et ambiguë que peut l'être son personnage titre, Samet, un professeur d'arts plastiques tantôt vaniteux, tantôt d'un nihilisme proprement déconcertant face à la (sa) vie.

Une âme complexe à la confusion existentielle constante, dont chaque journée est un calvaire, lui qui désespère d'avoir enfin un petit bout de lumière et d'espoir dans sa vie - comme cette hypothétique mutation à Istanbul qu'il attend désespérément depuis des années.
C'est au tour de lui justement, que se noue deux narrations à la fois distinctes et complémentaires, où le cadre crépusculaire se fait le reflet symbolique des états d'âme et du trouble intime de son anti-héros.

Copyright Memento Distribution

Tout d'abord celle où il est accusé, tout comme son colocataire Kenan, d'avoir une attitude déplacée (bien que l'on ait jamais réellement là véracité des faits) envers l'une de ses élèves pour qui il a une attention il est vrai, toute particulière, Sevim.
Puis une autre, décemment plus romanesque et ample, un triangle amoureux qui le lie à nouveau à Kenan, puisque les deux tombent sous le charme de la franche et vive Nuray, enseignante dans le même établissement que celui de Samet.

Au fur et à mesure que la première, résolument plus opaque, s'estompe, la seconde s'exprime avec une intensité et une puissante croissantes, bardé de séquences Rohmeriennes en diable (la fameuse nuit entre Somet et Nuray en tête) et voguant lentement mais sûrement vers une profonde et tchekhovienne réflexion existentielle, où le cinéaste explore avec la même délicatesse et la même sensibilité les liens qui unissent ses personnages autant que la beauté incandescente d'une Anatolie désolée dont il fait l'épicentre changeant de son nouveau poème cinématographique.
Une merveille de cinéma complexe et passionnant comme un roman de Dostoïevski, où l'épure de la mise en scène épouse la richesse d'une narration folle pour ne plus former qu'un.


Jonathan Chevrier


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