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[CRITIQUE] : Jeanne du Barry


Réalisatrice : Maïwenn
Acteurs : Maïwenn, Johnny Depp, Melvil Poupaud, Benjamin Lavernhe, Pierre Richard,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame, Historique, Romance.
Nationalité : Français.
Durée : 1h56min.

Synopsis :
Ce film est présenté en ouverture du Festival de Cannes 2023

Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.



Critique :


Plus que tout autre de ses efforts jusqu'à aujourd'hui, le sixième long-métrage de la cinéaste Maïwenn aurait très bien pu s'intituler Chaos, tant elle cherche une nouvelle fois à capturer - plus ou moins adroitement - celui qui règne entre ses divers personnages (cette fois historiques), que provoquer ce (res)sentiment à son auditoire, toujours plus ou moins divisé par ses oeuvres.

D'autant qu'elle a beau se targuer de ne jamais chercher à provoquer la moindre " polémique ", difficile de ne pas déceler le cynisme derrière cette argumentation de défense médiatique tant il est impossible de feindre le petit effet malsain qui se cache derrière la présence/réhabilitation d'un Johnny Depp, dont l'annonce de l'engagement n'avait qu'à peine attendu quelques heures après la révélation du verdict de son second procès contre son ex-femme Amber Heard.
À l'écran en revanche, la réalité de sa présence, se comptant sur une poignée de scènes loin d'être défendables, ne propose pas - artistiquement tout du moins - le matériau pour que le comédien (bien que la presse française l'encense déjà aveuglement) entame un véritable retour sur le devant de la scène - ce qui ne serait tarder, puisque la cancel culture brise des carrières.

Copyright Stéphanie Branchu / Why Not Productions

Car Jeanne du Barry est avant tout et surtout un film de Maïwenn, par Maïwenn et pour Maïwenn, entre la réécriture historique et la réappropriation méta, le tout enrobé par une couche cotonneuse de film d'époque furieusement conventionnel.
Le parallèle avec J'accuse de Roman Polanski, autre séance cannoise conspuée non pas pour sa qualité (que chacun jugera à son goût ou non) mais bien pour son auteur, n'est dès lors pas si dissonant tant les deux cinéastes semblent - et affirment - se retrouver dans les histoires qu'ils content sans jamais s'attarder sur les détails sordides, mais en s'échinant méticuleusement à réécrire à leur avantage.

Bien que l'ascension Candidesque de la courtisane soit née de sa propension à user de sa chair, le film s'attarde in fine à montrer Jeanne uniquement comme une maîtresse sensiblement moderne, se frayant tant bien que mal une voie à travers un monde d'apparat où son union, arrangée, avec le comte du Barry (plus proxénète qu'époux) la mènera jusqu'au bras d'un Louis XV ici plus objet que sujet (évidemment), avant tout capturé par le regard de l'héroïne, dévisagée de tous et surtout de toutes, qui la jalouse et la haïsse (dont une India Hair follement cartoonesque).
Un fait historiquement vrai, tant elle était une femme du peuple qui se payait sa place dans la cours du roi par ses charmes, mais là encore, le rapport métatextuel est des plus grossiers d'autant qu'il n'appuie aucun regard sur les combats féministes contemporains, ne suscite nullement l'empathie ni ne vient nourrir une narration poussive qui a tout d'un enchaînement fastidieux de vignettes mal rythmées (ses ellipses...) et au classicisme assumé.

Copyright Stéphanie Branchu / Why Not Productions

Dommage, car d'un point de vue mise en scène, au-delà du fait qu'elle ait réalisé son film en 35mm, difficile de ne pas souligner la maturité (pensez Barry Lyndon, surtout dans son ouverture) qu'elle semble avoir trouvé derrière une caméra plus sûre et moins frénétique que par le passé, signant une pluie de plans amples et élégants embaumés dans une lumière douce et un Versailles des grands jours, signe que cette incursion hors de sa zone de confort ne pouvait lui être que bénéfique.

Reste le cas Depp, qui cabotine à l'extrême entre deux grimaces flasques et un nombre de dialogues limités dû à un accent gentiment prononcé (que dire de son union sans alchimie avec Maïwenn), dont la pertinence de la présence vire carrément à l'indécence dans un dernier tiers où l'on pleure (littéralement) sa mort certaine, la faute à une maladie fulgurante - la variole - qu'il n'a pu attraper qu'auprès des seuls sujets qu'il côtoie (ses amantes).
Jeanne du Barry est presque à son image, inerte et sans passion, scandaleux uniquement dans l'aura médiatique qui l'entoure (là où le cinéma de Maïwenn se démarquait jadis par son irrévérence), qui cherche à n'exister que pour une histoire d'amour qui écrase ses brillants seconds rôles (Melvil Poupaud, Benjamin Lavernhe et Pierre Richard en tête), ne prend jamais vraiment, et à laquelle on ne veut pas forcément croire non plus.


Jonathan Chevrier