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[C’ÉTAIT DANS TA TV] : #32. Philip K. Dick's Electric Dreams

Elizabeth Sisson/ Courtesy of Sony Pictures Television

Avant de devenir des cinéphiles plus ou moins en puissance, nous avons tous été biberonnés par nos chères télévisions, de loin les baby-sitter les plus fidèles que nous ayons connus (merci maman, merci papa). Des dessins animés gentiment débiles aux mangas violents (... dixit Ségolène Royal), des teens shows cucul la praline aux dramas passionnants, en passant par les sitcoms hilarants ou encore les mini-séries occasionnelles, la Fucking Team reviendra sur tout ce qui a fait la télé pour elle, puisera dans sa nostalgie et ses souvenirs, et dégainera sa plume aussi vite que sa télécommande. Prêts ? Zappez !!!



#32. Philip K. Dick's Electric Dreams (2018)


Pas de tromperie sur la marchandise ! Comme l'indique son titre, la série d'anthologie Philip K. Dick's Electric Dreams, sortie en 2018 sur Amazon Prime, est un voyage dans l'univers du célèbre auteur de science-fiction. Celui-ci avait déjà inspiré le 7ème art à maintes reprises, à travers des adaptations telles que Blade Runner, Total Recall, A Scanner Darkly ou encore Minority Report pour en rester aux plus connues, et faisait déjà un crochet par le petit écran avec l'uchronie The Man in the High Castle qui préparait alors sa troisième saison, également sur Amazon Prime. Ici, en dix épisodes qui s'inspirent chacun d'une nouvelle de K. Dick, nous sommes plongés dans autant de mondes issus de l'imaginaire du romancier, qui nous offrent un camaïeu de teintes dystopiques.


Série d'anthologie ? Science-fiction ? Dystopie ? Impossible de ne pas penser à Black Mirror, au point de se demander si le choix de d'inclure le nom de K. Dick dans le titre ne vise pas, au-delà d'un appel du pied à ses fans, à se donner une légitimité face à cette concurrence qui fait référence. Le fait est que les deux œuvres se rejoignent largement dans leurs thématiques et dans le type de situations qu'elles mettent en scène et, bien que le traitement diffère un peu, les adeptes de l'une ne devraient donc avoir aucun mal à apprécier l'autre. La contrepartie est qu'elles ont également quelques défauts en commun, et en particulier un manque d'unité globale qui a pour inévitable conséquence un résultat quelque peu inégal d'épisode en épisode.

ELIZABETH SISSON/AMAZON

Dans la liste des atouts qu'Electric Dreams a dans sa poche, on peut souligner un casting de choix. Au fil des épisodes, on voit ainsi défiler une solide galerie d'acteurs parmi lesquels on retrouve Terrence Howard, Géraldine Chaplin, Steve Buscemi, Bryan Cranston ou encore Juno Temple pour n'en citer qu'une poignée. On devine qu'à travers ces noms, il y a la volonté pour la série de se positionner en tant que proposition premium et d'attirer un public exigeant. Le même sentiment émane de la dramaturgie, qui semble dans la plupart des cas s'intéresser davantage à la psychologie des personnages qu'à l'action à proprement parler, et a moins tendance à trouver son point d'orgue dans des situations extrêmes de crise, d'humiliation ou de désespoir.


Si la plupart des histoires n'ont pas exactement une issue heureuse, l'œuvre paraît ainsi dans l'ensemble moins s'acharner sur ses protagonistes que Black Mirror, qui se montre souvent envers eux d'une ironie cruelle. Bien que certaines dérives de la société soient ici aussi pointées du doigt et exagérées jusqu'à l'absurde, le ton se veut moins oppressant et offre même quelques moments de poésie bienvenus. Sur ce point, on pourrait même avancer que l'épisode Tuez tous les autres, qui est sans doute le plus sombre dans ce qu'il cherche à raconter de l'humanité, est aussi le moins réussi, car l'originalité et la subtilité du propos lui font défaut. On lui préfèrera, par exemple, les dilemmes moraux sans coups d'éclats de Être humain, c'est… ou de Vraie Vie.

ELIZABETH SISSON/AMAZON

C'est en effet surtout cela qui va permettre à Electric Dreams de tirer sa (petite) épingle du jeu : nombreux sont les moments où les personnages ne sont pas simplement les jouets d'un système despotique, de la malveillance d'autrui ou de leur propre déviance, mais où ils sont amenés à réinterroger leurs valeurs et leur intérêt personnel. Sans que la série soit non plus exceptionnellement creusée sur cet aspect, on peut ainsi apprécier une approche moins fataliste dans laquelle on a le sentiment que le scénario progresse au gré des décisions de chacun plutôt que d'être un piège sans issue qui se referme sur eux. Les nouvelles de K. Dick dépeignent ainsi des mondes dans lesquels les hommes ont encore leur place et le pouvoir d'agir sur leur destin.


Le pendant négatif de ce traitement est néanmoins l'occasionnelle baisse de rythme, en partie compensée par le fait de découvrir à chaque fois un nouvel espace-temps, avec les décors, costumes et notions spécifiques qui vont avec. La narration réussit par ailleurs quelquefois le tour de passe-passe de prendre le spectateur à défaut en le faisant douter ou en remettant en question ce qu'il lui a été donné de voir, ce qui vient renforcer efficacement la thématique. Cependant, en comparaison, les intrigues semblent à d'autres moments un peu faciles avec des rebondissements et des twists qui ne se montrent pas tous à la hauteur. Certains épisodes laissent donc un arrière-goût anecdotique, peinant à se développer au-delà de l'attrait du concept initial.

ELIZABETH SISSON/AMAZON

Philip K. Dick's Electric Dreams est ainsi une œuvre de facture correcte qui, sans réinventer le genre de la science-fiction, fait une proposition tout à fait plaisante. Son manque de retentissement est certainement à mettre en lien avec sa difficulté à se démarquer de son aînée Black Mirror, dont elle peut être perçue comme un ersatz édulcoré puisque moins jusqu'au-boutiste dans son pessimisme. Elle n'en vaut pas moins le détour pour les amateurs du genre, qui y trouveront de quoi nourrir leur imaginaire en dix petites bouchées de divertissement : certaines ont des saveurs délicates, d'autres sont un peu plus fades, mais il y a là largement de quoi être rassasié.


Lila Gleizes



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