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[CRITIQUE] : Houria


Réalisatrice : Mounia Meddour
Avec : Lyna Khoudri, Amira Hilda Douaouda, Rachida Brakni,…
Budget : -
Distributeur : Le Pacte
Genre : Drame
Nationalité : Français, Belge, Algérien
Durée : 1h38min

Synopsis :
Alger. Houria est une jeune et talentueuse danseuse. Femme de ménage le jour, elle participe à des paris clandestins la nuit. Mais un soir où elle a gagné gros, elle est violemment agressée par Ali et se retrouve à l’hôpital. Ses rêves de carrière de ballerine s’envolent. Elle doit alors accepter et aimer son nouveau corps. Entourée d’une communauté de femmes, Houria va retrouver un sens à sa vie en inscrivant la danse dans la reconstruction et sublimation des corps blessés…


Critique :


Il est rare de réunir autant d’avis positifs pour un premier long métrage, pourtant Mounia Meddour y était parvenue en 2019. Fresque féministe et énergique d’une passionnée de mode pendant la décennie noire en Algérie, Papicha avait conquis le cœur du public avec sa force créatrice, plus forte qu’une idéologie islamiste. La réalisatrice revient au présent dans son deuxième long métrage, Houria, où une jeune danseuse va utiliser l’expression du corps pour guérir de ses traumatismes.

On s’est battues et pour quoi ? Finir femme de ménage ?”. Sonia, solaire amie d’Houria, veut quitter l’Algérie pour l’Espagne. Cette simple phrase porte toute la frustration d’une génération qui a grandi (ou qui est née) pendant la décennie noire. Houria s’annonce comme la suite logique de Papicha. Qu’y a-t-il après une guerre civile, après une révolte ? Quelles blessures reste-t-il à panser ? Mounia Meddour cartographie les souffrances internes, les cicatrices encore douloureuses et rend hommage, avec une belle énergie, à la jeunesse qui n’a jamais été aussi impliquée politiquement parlant.

Copyright HOURIA_INK_CONNECTION_HIGHSEA_PRODUCTION_2022


La guerre civile algérienne, loin de la pensée collective d’aujourd’hui, garde des fantômes récalcitrants. Ils se cachent dans les traumatismes intimes ou dans la politique du pardon survenue à la fin de la guerre, où les terroristes islamistes ont été relâchés dans la nature. C’est une Algérie hantée que filme la cinéaste, une Algérie qui veut tellement repartir du bon pied qu’elle décide de cacher les cendres sous le tapis. Et ces cendres, ce sont les femmes qui en payent le prix. Celles qui ont souffert d’une politique obscurantiste. Elles portent le fardeau du traumatisme en silence, parce qu’il faut bien aller de l’avant. Houria prend le temps de s’intéresser à ces femmes blessées et propose de leur laisser de l’espace afin de verbaliser la douleur tue, de leur laisser le temps de se reconstruire, de retrouver leur voix, de retrouver la puissance de leur corps.

Mounia Meddour cherche l’osmose dans son nouveau long métrage. Une osmose entre le mouvement et la nature (superbe séquence du début où Lyna Khoudri danse au son des éléments). Une osmose entre le passé et l’avenir, entre ces femmes différentes mais si proches dans la douleur. On peut reprocher à Houria de chercher à en faire trop dans sa narration. Le récit superpose les enchaînements narratifs tragiques, comme si la cinéaste avait peur de perdre notre intérêt émotionnel, comme s’il fallait que son personnage principal vive l’enfer pour qu’on se sente concerné. Comme si elle n’avait plus assez confiance en sa mise en scène, basée sur l’énergie du mouvement, pour faire passer ses messages.

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Reprochons au film ce qu’on doit lui reprocher mais gardons aussi vivace que possible ces moments lyriques où, le mouvement panse les blessures du corps, où le corps reprend vie et exprime tout ce qui est indicible. Où le mouvement, dans ses lignes les plus pures comme dans sa radicalité sauvage, exprime la rage, la frustration, mais aussi la tendresse. “La tendresse, c’est politique”, disait le personnage de Laure Calamy dans Annie Colère, un film où la gestuelle envers un corps avait aussi son importance. On retrouve cette idée magnifique dans les images que nous offre Mounia Meddour, des gestes tendres dans un esprit solidaire et sororale : des soleils dessinés sur une main, un sourire partagé, des mains qui s'agrippent et s’entraident. C’est dans ces moments-là que l’on retrouve la beauté du cinéma de Mounia Meddour. Un cinéma en mouvement, mais qui sait, toujours, quand insérer de la tendresse.


Laura Enjolvy


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