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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #171. An American Werewolf in London

Copyright Universal Pictures

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !


#171. Le Loup-garou de Londres de John Landis (1981)

Avant que Le loup-garou de Londres n'arrive dans les salles de cinéma, John Landis était surtout connu pour des comédies telles que Hamburger film sandwichAmerican College et avant tout celle devenue culte : The blues brothers. C'est la première fois qu'il explore le genre horrifique, voire fantastique. Toutefois, il avait ce projet en tête depuis plusieurs années. En 1969, John Landis était assistant réalisateur sur le tournage de De l'or pour les braves de Brian G. Hutton (sorti en 1971 en France), qui se déroule en Yougoslavie. Avec un collègue, il fait la rencontre de gitans et assiste à une cérémonie de funérailles : le corps du défunt positionné dans une tombe très profonde avec les pieds devant et entouré d'ail, pour éviter qu'il ne ressuscite afin de hanter les vivants. Après avoir témoigné de ce rituel, John Landis a l'idée d'écrire un scénario qui mélangerait les traditions ancestrales et le rationnel. Sauf qu'il faudra attendre presque dix ans pour que des producteurs acceptent le projet. Fort du succès de ses comédies, son scénario de film de loup-garou teinté d'humour potache finit par trouver preneur. Il obtiendra même l'enthousiasme du public et de la profession, étant le premier film à remporter l'Oscar du meilleur maquillage en 1981.

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Le film commence par un voyage. Celui des étudiants américains David et Jack, sillonnant l'Angleterre en attendant de se rendre à Rome. Sauf que l'escale dans le parc national des North York Moors est loin d'être idéal. De passage dans un pub local, ils essaient de communiquer avec les habitants mais ne reçoivent que de l'hostilité en retour. Les regards agressifs et les non-dits lourds ne font que renforcer l'inquiétude de symboles posés sur les murs. John Landis dissémine donc aussitôt, dans son décor, les indices d'une angoisse. D'autant plus que lors du départ du pub des deux amis, ils s'enfoncent dans le parc et se perdent en pleine brume. Ils sont rapidement encerclés par cette forme, ne distinguant plus que les couleurs de leur manteaux. Tout comme ils seront pris au piège par le loup qui les attaque après s'être dissimulé hors-champ, en ne faisant entendre que ses cris. John Landis construit ici une imagerie mythologique, comme un univers à part qui n'existerait que dans les pires cauchemars. Que ce soit ce parc brumeux, ces éléments de décors aussi inquiétants que gothiques (les statues, les arbres dépossédés de leurs feuilles, etc), ce monde marginalisé devient un univers isolé que seule la curiosité la plus folle permet d'explorer. L'ironie du cinéaste voudrait même que ce soit quelque chose d'extravagant. Jusqu'à même sortir de ce cadre pour amener le fantastique dans un cadre plus commun. En effet, l'intrigue principale se déroule ensuite dans un milieu urbain (à Londres, comme l'indique le titre) où il paraît plus improbable d'y voir un loup-garou.

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Le paysage brumeux, sec et hostile de la campagne laisse place à un paysage plus lumineux, plus coloré. Mais c'était évident. Pourtant, la tranquillité inquiétante rurale devient ici une jungle où les corps disparaissent dans la masse. John Landis n'hésite jamais à filmer Londres comme une folie démesurée, comme une fantasmagorie qui écrase les gens de partout. Les personnages urbains sont cernés par une masse d'informations et de décors tous aussi grandiloquents les uns que les autres, autant que David et Jack étaient cernés par la brume dans le parc au début du film. Les routes interminables de la campagne trouvent même un écho aux tunnels de métro londonien. Il s'agit donc de transposer l'horreur des légendes dans un cadre qui semble immunisé contre cela. La densité de la ville (les immeubles, la population, les lumières, les rues) seraient ce qui contre-balance les décorations dans un pub, faits pour repousser un Mal. Alors qu'il s'agit d'un paysage fait de progrès humain, symbole de civilisation, le cauchemar prend forme petit à petit. John Landis commence d'abord par explorer la limite entre la folie et l'horreur réelle, entre l'imagination et la réalité. Avant d'en arriver à l'horreur, il utilise les hallucinations pour se concentrer sur l'esprit. La transformation devient un processus dans le temps, qui passe d'abord par une manipulation de l'esprit et une agitation du corps. Entre les apparitions de Jack en mort-vivant ou David qui se déchaîne sur un animal dans une forêt (entre autres), Le loup-garou de Londres est fait de digressions. Le réel qui compose le quotidien de David est corrompu, ou alors il y a des rêves dans les rêves. Le fantastique est alors un envoûtement, au sein d'un cadre urbain construit sur les fantasmes de la civilisation.

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Mettre en scène le processus de la transformation en manipulant l'esprit permet de garder une partie humaine et sensible à l'intrigue. Il n'est donc pas surprenant de voir une romance s'intégrer à l'intrigue, pour être l'autre côté du miroir de l'envoûtement par le fantastique. Qui dit sensibilité, dit que la perception se transforme également, en brouillant les pistes au montage. Les hallucinations ne sont pas soudaines, mais elles sont comme Jack : comme des incrustations ambiguës au sein d'une atmosphère anecdotique. Tout comme la romance atténue la tension de la souffrance du processus de transformation. Cependant, l'histoire d'amour de David n'est pas la seule approche permettant de désamorcer le ton fantastico-horrifique. John Landis utilise aussi la comédie qu'on lui connaît de ses précédents films. Même si l'humour potache est ici moins prononcé que dans Hamburger film sandwich ou American College, il s'en sert pour modérer la terreur. Dès le début, quand les deux amis cherchent à fuir le parc, David trébuche et tombe. C'est grâce à cet obstacle ridicule que le loup se met à attaquer. Suite à cet événement, quand le protagoniste est pris d'hallucinations et qu'il voit Jack, celui-ci lui parle tranquillement avec une attitude toujours encourageante et optimiste. C'est cocasse en sachant que le corps du meilleur ami devenu mort-vivant se détériore et décompose de plus en plus à chaque apparition. Il est même possible de voir les victimes de David suggérer différentes manières de se suicider, dans une hallucination en pleine séance de film pornographique, dans une salle de cinéma.

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L'objectif étant d'agrémenter l'imagerie horrifique avec des traits subversifs, de grossir les traits. Ainsi, le surréalisme n'existe pas uniquement dans la frayeur qu'il apporte, il existe également dans le grotesque. Jusqu'à un cauchemar où David rêve que sa famille juive se fait massacrer par une horde de mutants nazis. La tête est aussi terrifiante par sa violence qu'extravagante par la forme des tueurs. Il y a à la fois le côté explicite de la brutalité et l'absurdité du côté folklorique. C'est là que Le loup-garou de Londres est devenu une référence dans le sous-genre du film de loup-garou, car au-delà de la cohabitation des tons, il contient des scènes choc autant qu'il arrive à ne pas trop en montrer. Après avoir joué sur l'esprit avec les hallucinations, John Landis joue sur la peur de la surprise et sur l'effroi du hors-champ. Comme la très belle séquence de chasse du lycanthrope dans le métro. Alors que le spectateur sait pertinemment que le loup-garou David est présent et ce qui va sûrement se passer, le cinéaste fait durer l'action. Ce qui l'intéresse est le processus de l'attaque, la mise en place formelle de la traque sur le quai et dans les tunnels du métro. Suivre cet homme inconnu esseulé et accélérant le pas entre les différents escalators est un signe de tension, mais aussi de dérision en faisant croire qu'il y aurait possiblement une issue à la situation. Et alors que cet homme voit enfin le loup-garou sans le dévoiler au spectateur, le cinéaste attend de le dévoiler. Le lycanthrope apparaît quelques secondes plus tard, en arrière-plan d'une caméra en plongée, où l'homme inconnu est tombé et est allongé sur un autre escalator. Même dans le massacre final à Piccadilly Circus, John Landis refuse le plus possible l'horreur graphique. Quand une tête se fait arracher par le loup-garou, le montage enchaîne en quelque seconde sur une femme poussant un énorme cri. Quand la bête se promène dans la rue et terrorise par ses rugissements, le montage enchaîne sur un homme à terre se faisant rouler dessus ou sur un carambolage énorme. L'horreur vue par John Landis ici est une agitation physique : c'est le chaos de la panique qui crée le massacre, et non forcément les dents du loup-garou.

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Même la transformation de David a cette agitation physique. Elle évoque quelque part la puberté : le corps change, la voix change, les poils poussent et les membres grandissent. Une scène particulièrement étonnante : autant le final teinté de romantisme se déroule dans une ruelle sombre, autant la transformation s'effectue en pleine lumière dans un appartement (même si c'est la nuit à l'extérieur). A grands renforts d’effets spéciaux mécaniques assez brillants, avec une musique douce, John Landis montre à la fois les détails de la chair, l'agitation de David et ses cris de douleurs. Alors que le film possède une accumulation de meurtres à la suite de cette séquence, le cinéaste continue de jouer sur l'effroi dans le regard (avec le hors-champ ou le champ/contre-champ) plutôt que chercher frontalement la sauvagerie. L'évocation est donc suffisante pour lui, et permet de garder la part d'irrationnel dans l'extravagance d'une mythologie. Le tout dans un cadre londonien loufoque, où il y a toujours un passage pour la panique et les peurs les plus lointaines. Entre les touristes et les punks, il y a toujours un espace pour les instincts les plus primaires. Le loup-garou de Londres ne cessera jamais d'être une référence.


Teddy Devisme

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