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[CRITIQUE] : My Name is Gulpilil


Réalisatrice : Molly Reynolds
Acteur : David Gulpilil.
Distributeur : Nour Films
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Australien.
Durée : 1h45min.

Synopsis :
Arraché au bush australien alors qu'il n'était qu'un jeune garçon, David Gulpilil va devenir la première icône aborigène sur grand écran. Partagé entre les traditions de son peuple et les excès hollywoodiens, l'acteur et danseur aux multiples talents nous raconte le voyage extraordinaire qu'a été sa vie.



Critique :


La délicieuse ouverture d'une poignée de secondes capture l'essentiel de l'aura mystique qui plane au-dessus du documentaire My Name is Gulpilil , centré sur la figure imposante de David Gulpilil, un homme Yolngu qui, par la force de son charisme et de son talent, est devenu un pionnier dans la représentation des autochtones d'Australie à l'écran.
On y voit le comédien marcher sur un chemin de terre sans relief, ses jambes fines comme des brindilles l'emportant loin de nous à un rythme envoûtant et lancinant, alors qu'un émeu, aux jambes à peine plus fines, lui emboîte le pas dans un élan tout aussi tranquille, rappelant combien l'homme et la nature sont indissociables, et encore plus au coeur des peuples autochtones qui appartiennent à la terre, l'honorant par le chant, le dessin ou même la danse.
Figure familière pour les amoureux du cinéma local (qui ne se souvient pas de lui aux côtés de Paul Hogan dans le cultissime Crocodile Dundee où même au casting de La Dernière vague de Peter Weir et surtout Walkabout de Nicholas Roeg), dont les heures sont comptés - au moment du tournage, il était en phase terminale d'un cancer du poumon -, Gulpilil, par le doux hasard du septième art, est devenu un homme de deux royaumes : l'occidental et le tribal, les strass et paillettes du (modeste) star système et le rapport intime et complexe aux traditions.

(Nour Films)

C'est résolument ce versant, qui expose à merveille la densité étonnante qui caractérise la personnalité du bonhomme, qui intéresse le plus la cinéaste Molly Reynolds (Another Country), alors qu'elle s'échine à mettre en images le dernier chapitre de sa vie, sublimant la vertu magnétique de son sujet en multipliant les prises tranquilles et intimes sur le visage indéchiffrable et stoïque de Gulpilil, lui dont on parcourt sa vie au présent et passée, de son ascension rapide à la célébrité en passant par des heures crépusculaires où il a succombé à un certain nombre de vices - l'alcool, la drogue où même plusieurs années de prison pour violences conjugales.
Voulu comme un doux et poétique adieu du comédien - et de l'homme - au monde, un au-revoir nuancé et personnel qui rassemble l'héritage cinématographique et humain qu'il laissera derrière lui, alors qu'il est confronté à sa propre mortalité; My Name is Gulpilil fait preuve d'une noble dévotion à la vérité autant que d'une belle retenue : jamais la lutte de Gulpilil contre le cancer n'est dramatisée, jalais ses fautes/crimes passés sont défendus et encore moins absous, jamais la réalité de sa condition est masquée par le moindre subterfuge.
Une humilité rédemptrice coule dans les veines de ce documentaire, le rendant si ce n'est essentiel, au moins joliment captivant à suivre.


Jonathan Chevrier