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[CRITIQUE] : Revoir Paris


Réalisatrice : Alice Winocour
Acteurs : Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin, Maya Sansa,....
Distributeur : Pathé
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h45min.

Synopsis :
À Paris, Mia est prise dans un attentat dans une brasserie. Trois mois plus tard, alors qu’elle n’a toujours pas réussi à reprendre le cours de sa vie et qu’elle ne se rappelle de l’évènement que par bribes, Mia décide d’enquêter dans sa mémoire pour retrouver le chemin d’un bonheur possible.



Critique :


Sans forcément jouer la carte facile du cynisme (pas si totalement dénué de vérité), on pourrait réellement voir quelque chose de profondément voyeuriste, voire même de sournoisement opportuniste, dans l'idée que le septième art hexagonal semble vouloir décortiquer sous toutes les coutures possibles ces prochaines semaines, les attentats du 13 novembre 2015 alors même que la justice vient à peine de dégainer son verdict, après de longs et douloureux mois de procès qui n'ont fait que rouvrir une plaie qui n'avait finalement jamais pu cicatriser.
Si l'on peut intimement douter de la vision qu'en aura Cédric Jimenez avec son Novembre (surtout s'il s'inscrit dans la même veine que son Bac Nord), en revanche, difficile de critiquer les intentions d'Alice Winocour avec son nouvel effort, Revoir Paris, elle qui fut directement touchée par la tragédie de ces attentats - son frère a survécu à l'attaque du Bataclan.
Pas tant intéressé sur les événements en eux-mêmes que sur leurs conséquences physiques et psychologiques dilués dans le temps, et la manière dont on essaye de vivre avec à défaut de pouvoir s'en remettre (le peut-on réellement ?), le film incarne un douloureux et diffus récit sur la lente reconstruction d'une femme, Mia, dont la vie bien installée a basculée en une poignée de minutes.

Copyright Pathé Distribution

Mais même si elle est hantée par des bribes de cette soirée, celle-ci n'a aucun souvenir de la façon dont elle a survécu à ce drame, outre le traumatisme psychologique de l'attaque et les cicatrices - visibles comme invisibles - qui ont marquées son corps.
Elle tente donc de recoller les morceaux du puzzle de cette nuit tragique pièce par pièce, en rejoignant un groupe de survivants qui se réunit une fois par semaine au restaurant, L'Etoile d'Or.
Là-bas, un homme, Thomas (plus touché physiquement et même devenu claustrophobe depuis), se souvient d'elle, lui qui était assis en face d'elle avant qu'elle ne se mette accidentellement de l'encre sur les mains et se dirige vers les toilettes, mais aussi une autre femme qui se souvient avec insistance, non pas sous un jour flatteur mais bien discordant...
Dissipant tout sens du mélodrame et du pathos putassier par un dialogue pointu et direct (aussi cru que sa reconstitution des faits), tout en sondant dans l'évolution - voire dans le dénouement - des relations qui nourissent le quotidien de son héroïne, les contours d'une nouvelle vie et l'acceptation difficile que rien ne sera plus jamais pareil (pour elle comme pour les autres survivants et leurs familles); la péloche se fait une médiation poignante et subtile - voire même un poil exubérante - sur le traumatisme, le deuil de soi et l'importance de la mémoire tant pour Mia, se réapproprier ses souvenirs est un moyen d'avancer, de comprendre ce qui lui est arrivé et surtout un pivot essentiel pour commencer à se reconstruire.

Copyright Pathé Distribution

Un chouïa plombé par ses sous-intrigues romantiques gentiment artificielles (que ce soit la relation entre Mia et Thomas où celle avec son compagnon, ceci dit bien plus invraisemblable), mais constamment sublimé par la prestation habitée et tout en retenue de Virginie Efira (à laquelle répond un Benoît Magimel tout aussi lumineux), Revoir Paris se fait une séance bienveillante et sensible à la caméra enlevée (la mise en scène tout comme le montage, suscitent constamment l'empathie sans trop en faire), qui rend hommage avec pudeur aux victimes tout en scrutant le sentiment paradoxal d'aimer un lieu même s'il nous ramène continuellement à un vécu terrible et traumatisant (Paris, autour de laquelle Winocour amène également le sujet des sans-papiers, victimes anonymes sur lesquelles les médias ne s'attardent jamais).
Un hymne éclaté et vibrant à la résilience, à la solidarité et à l'humanité autant qu'un formidable et intime portrait de femme forte, que certains jugeront sûrement - sans doute un peu à raison - comme convenu, mais qui ne laisse jamais indifférent par la justesse et la retenue des émotions qu'il brasse et suscite.


Jonathan Chevrier


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