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[CRITIQUE] : La Verónica


Réalisateur : Leonardo Medel
Avec : Mariana Di Girólamo, Antonia Giesen, Ariel Mateluna, Patricia Rivadeneira,…
Distributeur : Moonlight Films Distribution
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Chilien
Durée : 1h40min

Synopsis :
Verónica Lara, épouse d’une star de football international et mannequin très populaire sur les réseaux sociaux, tombe en disgrâce lorsqu’elle devient suspecte dans l’enquête sur la mort de sa première fille. Le portrait satirique de cette Victoria Beckham chilienne est un réjouissant jeu de massacre au cours duquel se dissolvent les frontières entre public et privé, vérité et mensonge, éthique et immoralité.


Critique :


Un visage lisse et voluptueux. C’est ce que nous montre l’affiche du cinquième long métrage de Leonardo Medel, La Verónica. Un visage désincarné, figé et brillant comme sur du papier glacé. Mariana Di Girólamo, l’actrice qui prête ses traits à la fameuse Verónica, a presque l’air de mimer la mort dans une posture avantageuse, lunettes de soleil et portable à la main. Le public ne s’y trompe pas, il s’agit bien de mort dans le récit. De plusieurs même, tant physique que métaphorique. Le réalisateur sonde les dangers des réseaux sociaux et de la superficialité qu’ils ont apportée. La course aux likes, aux abonnés, aux partenariats prend ici une saveur macabre, tandis qu’une machination bien huilée s’installe devant nos yeux.

Le regard est d’ailleurs au centre de la mise en scène. Le cinéma, tout comme les réseaux sociaux, tourne autour de ce que l’on voit et le hors-champ. Leonardo Medel choisit un dispositif de cadrage qui n’est pas sans rappelé les cadrages Youtube — de face, centré, en plan fixe. Ainsi Verónica, la Victoria Beckham chilienne, ne quitte jamais le cadre, ne se trouve jamais en arrière-plan. Personnage principal du film, celle-ci fait en sorte de rester dans la lumière, dans le net. La profondeur de champ est réduite, et les rares personnages qui entrent dans le cadre sont flous s’ils ne se trouvent pas à côté d’elle. Verónica est sous les projecteurs et tient à le rester, coûte que coûte.

© Moonlight Films Distribution

Au centre de l’image, Verónica est aussi au centre de son petit monde réduit. Son mari est fou d’elle, à ce que l’on dit. Ses neveux et nièces ne jurent que par elle. Ses abonné⋅es l’adorent et l’admirent. Les photographes se l’arrachent. La preuve, une journaliste veut écrire sa biographie, découvrir ce qui se cache derrière ce visage lumineux. Mais a-t-on vraiment envie de gratter le vernis parfait de cette vie et dévoiler la vérité ?

Avec son principe de mise en scène et son cadrage réduit à l'immobilité, La Verónica réduit également son champ des possibles. Il n’y a aucune découverte, aucune révélation car tout se trouve déjà dans le cadre. Ses manipulations pour devenir l’égérie d’une marque de cosmétiques ne peuvent être véritablement cachés tant le personnage est unilatéral et ne possède aucune autre dimension que sa stratégie marketing, visant à contenter son cœur de cible pour accéder à son désir. Le public sait où le film veut en venir, sait quel chemin prend le personnage.

La magnétisme de Mariana Di Girólamo permet au long métrage de ne pas sombrer dans le déjà-vu. L’actrice nous capture dans ses moindres changements d’émotions et arrive à nous berner facilement. Elle pleure, rit, fulmine, complote allègrement, partage ses frustrations mais semble toujours maîtresse d’elle-même. Pourtant, le masque se craquelle lors de rares séquences où la véritable Verónica transparaît, quand les yeux dans le vague, celle-ci semble déconnectée de la réalité au point de ne plus entendre les pleurs de sa fille, pourtant à côté d’elle. Est-ce là le propos du film ?

© Moonlight Films Distribution

En jouant constamment un rôle publique, le personnage a fini par glisser dans l’irréalité du monde virtuel et à épouser son mantra “ait l’air stupide” pour mieux mimer le détachement qui sied aux réseaux sociaux. Mais derrière le choix de mise en scène de Medel se cache la perversité d’enfermer son personnage dans un piège, comme si elle n’avait pas le choix d’user les outils (sexistes) de l’attraction d’Instagram à ses propres desseins. Le rêve de Verónica est justement d’être le visage d’une marque, mais n’a pas d’autres ambitions car il faut “connaître ses limites” , comme elle le confie à sa biographe. Rêves limités au cadre d’une photo parfaite, c’est tout ce que lui offre le cinéaste chilien. Est-elle véritablement le personnage principal ? Ou juste un pion dans un monde figé par des illusions ? Cela semble facile d’enfermer le personnage dans une caractéristique superficielle sans montrer les rouages de son enfermement. La Verónica n’est en tout cas pas la critique acerbe dont le film avait l’air et demeure un vain exercice de style.


Laura Enjolvy