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[INSTANT LITTÉRATURE] : #8. Le Premier qui pleure a perdu (Sherman Alexie)


" Quoi, un site centré sur le cinéma qui papote littérature, mais quelle hérésie ! ".Voilà une manière polie de dire " qu'est-ce qu'on est en train de foutre ", mais à une heure ou la littérature n'a jamais autant été liée au septième art (ah, Hollywood et son manque d'originalité...), nous avons trouvé de bon ton, en temps que media, de voir un petit peu plus loin que le bout de notre plume, et d'élargir notre prisme de partage culturel en papotant littérature donc, sans pour autant que cela soit lié au cinéma - même si cela arrivera certainement souvent.

Armez-vous de vos lunettes, d'un marque-page et d'un potentiel chèque-cadeau FNAC pour faire vos emplettes, et lisez un brin nos recommandations littéraires pleines d'amour, au coeur de notre nouvelle section : Instant Littérature !



#8. Le Premier qui pleure a perdu de Sherman Alexie


Drôle de titre en version française alors que son titre original, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian (publié en 2007), évoque plus immédiatement aux lecteurs l’une des problématiques de ce roman classé dans la catégorie « jeunesse ». En effet, le personnage principal Arnold (surnommé Junior), également le narrateur du récit, est un jeune Indien Spokane habitant dans une réserve où règnent misère et alcoolisme avec ses parents et sa grande sœur. On devine aisément dans ce postulat une touche autobiographique. Il faut dire que son auteur, Sherman Alexie, lui-même d’origine amérindienne, évoque dans la plupart de ses textes le mode de vie actuel des Amérindiens aux Etats-Unis, assez méconnu par le grand public.

Arnold rencontre également d’autres difficultés, l’amenant à devenir le souffre-douleur des Blancs mais aussi au sein de sa propre communauté : il est maigrichon, il est né avec trop de liquide céphalo-rachidien, il possède un crâne énorme ainsi que 42 dents, il a de gros problèmes de vue et pour clouer le tout, il bégaie et zozote. Bref, il accumule un certain nombre de handicaps. Pourtant, suite aux recommandations de son professeur de géométrie (conscient de la discrimination subie par les Indiens), il change d’établissement et intègre celui de Reardan, un établissement majoritairement fréquenté par des blancs aisés. Arnold devra alors se confronter à différentes interrogations existentielles. Comment trouver son identité lorsqu’on est issu de deux cultures ? Comment s’en sortir alors qu’on accumule les handicaps aux yeux de la société ? Comment se projeter dans un avenir alors que la mort et la misère interviennent constamment ?

PHOTO : ASSOCIATED PRESS AP / ELAINE THOMPSON

Le Premier qui pleure a perdu est un roman qui aurait pu facilement sombrer dans le pathos à cause de tous les obstacles rencontrés par Arnold et les drames qui l’entourent et le touchent (discrimination, racisme, deuil…). Mais le texte de Sherman Alexie évite malicieusement ce piège tout en dégageant une véritable émotion. Ce ne sont pas que les drames et les injustices qui bouleversent le lecteur, c’est là où le texte tomberait dans une facilité. En réalité, la véritable émotion jaillit lorsque Junior fait preuve de courage et de détermination. Dans ce récit d’apprentissage, il accepte sans cesse la dure réalité et est pourtant prêt à aller de l’avant, à vivre sa vie comme il l’entend. Il est finalement un adolescent comme un autre : il tombe amoureux, il a envie de faire des études et de quitter le nid familial. S’il a conscient de ce qu’il est et d’où il vient, il ne s’apitoie pourtant jamais sur son sort et justement, il fera tout pour améliorer son destin. De plus, le pathos est certainement évité car l’auteur fait appel à l’humour et une légèreté dans le ton. Le lecteur rit souvent même lorsque les situations ne s’y prêtent pas toujours car Junior fait preuve d’une étonnante lucidité sur sa situation et les événements.

The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian est un roman à la fois drôle et poignant, traitant avec intelligence ses thèmes et qui sait séduire un large public.


Tinalakiller