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[CRITIQUE] : Peter Von Kant


Réalisateur : François Ozon
Acteurs : Denis Ménochet, Isabelle Adjani, Khalil Gharbia, Hanna Schygulla, Stefan Crepon,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Comédie, Drame
Nationalité : Français.
Durée : 1h25min.

Synopsis :
Peter Von Kant, célèbre réalisateur à succès, habite avec son assistant Karl, qu’il se plaît à maltraiter. Grâce à la grande actrice Sidonie, il rencontre et s’éprend d’Amir, un jeune homme d’origine modeste. Il lui propose de partager son appartement et de l’aider à se lancer dans le cinéma...



Critique :


Il n'y a rien de surprenant dans le fait de voir François Ozon se rapprocher à nouveau de l'oeuvre de Rainer Werner Fassbinder, lui qui a déjà montré son admiration pour le réalisateur allemand à plus d'une occasion.
Pas seulement, évidemment, en l'an 2000 lorsqu'il adapte au cinéma la pièce Gouttes d'eau sur des pierres brûlantes, mais bien tout au long de sa carrière tant son affinité particulière pour l'esthétique autant que les thèmes et la sensualité Fassbinderienne, transpirent dans nombreux de ses efforts.
Sauf que sa filiation ici est plus affirmée qu'auparavant, puisqu'il va carrément réviser à sa guise Les Larmes amères de Petra von Kant dans une sorte de verset amoureux, un fascinant exercice référentiel qu'il est impossible de nommer remake tant les deux oeuvres ont leurs propres identités bien distinctes (mais toujours intimement autobiographiques) tout en étant pleinement complémentaires.

Copyright Carole Bethuel

L'histoire s'ouvre sur la relation complexe entre le réalisateur Peter Von Kant et son assistant soumis Karl, les deux hommes coexistant dans une sorte de dynamique complémentaire dans le microcosme orné qu'est la maison du premier.
Von Kant (un Denis Menochet merveilleusement excessif) une créature fascinante et excessive, un homme condamné à l'autodestruction par sa propre egomanie mélancolique et dévorante; un enfant-animal, dont la seule façon de reconnaître l'autre est qu'il soit un prolongement de lui-même et de son désir, exigeant gratitude et admiration - au moins - à parts égales.
Une sorte de pacte lie les deux hommes, reposant sur une logique sadomasochiste, totalement dénuée de sensualité, où l'assujetti et le despote ne peuvent exister qu'en se définissant par leurs actions envers l'autre.
Tout bascule à l'arrivée impromptue du jeune Amir, presque donné en offrande à la diva Sidonie, une femme égocentrique et manipulatrice comme peut l'être Von Kant, sans doute la raison pour laquelle elle en est une amie proche. 
Amir incarne autant un objet du désir inexpérimenté et timide, représente le parfait opposé de l'imposant cinéaste : un éphèbe athlétique, illettré et orphelin, mué par une avidité d'être et d'exister dans le regard et la mémoire des autres.

Copyright Carole Bethuel

Puisque les contraires s'attirent et se déchirent, Von Kant lui voue un amour hystérique que seule la démence peut comprendre, et les deux basculent dans une relation torride et cruelle qui oscille entre père-fils et maître-apprenti, où le vorace et désinvolte Amir va se rebeller et revendiquer son statut de sujet et non d'objet, devant le regard d'une caméra aussi délicate et complice que peut l'être celui silencieusement observateur de Karl...
Au-delà du fétichisme évident d'Ozon (les clins d'oeil à la filmographie de Fassbinder sont légion) et du même penchant pour la composition baroque de son illustre aîné (où il réinterprète l'esthétique décadente et dorée de Gustav Klimt dans un trip pop et saturée de bleus et de rouges digne d'une tragédie de Pedro Almodóvar, lui-même très marqué par le cinéma de Fassbinder), Peter Von Kant sonde merveilleusement les méandres d'une tumultueuse passion amoureuse pour mieux aborder du bout d'un développement furieusement théâtral et méta, les rapports entre une muse et son créateur sous fond de soumission/domination et de fascination (l'acte de filmer, de faire du cinéma se transformant alors en un acte charnel et sexuel), où les traits comiques et parodiques à la lisière de la farce, se déforment lentement mais sûrement dans une spirale autodestructrice dont la catharsis révèle que l'amour n'est rien d'autre qu'une autre forme de possession.

Copyright Carole Bethuel

Avec son approche scopophile sur le cinéma du Maestro allemand qui tient une place prépondérante dans sa filmographie, François Ozon fait de son nouvel effort autant un hommage minutieux, burlesque et tragique qu'un acte de cinéma autobiographique et biographique, mêlant sa sensibilité à celle de Fassbinder dans un mélange intime de tendresse, d'horreur et de crainte.
Un bel et fascinant objet cinématographique, tout simplement.


Jonathan Chevrier

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