[CRITIQUE/RESSORTIE] : Œdipe roi

Réalisateur : Pier Paolo Pasolini
Acteurs : Franco Citti, Silvana Mangano, Alida Valli, Luciano Bartoli, Pier Paolo Pasolini,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame, Historique, Biopic.
Nationalité : Italien.
Durée : 1h44min.

Date de sortie : 9 octobre 1968
Date de ressortie : 20 juillet 2022

Synopsis :
Un enfant naît d’une mère douce et aimante et d’un père jaloux de l’amour qu’elle porte à l’enfant. Abandonné dans le désert au bout d’une branche, l’enfant est recueilli par un berger qui l’apporte au roi de Corinthe et à la reine. Ils l’adoptent. Adulte, Œdipe fait un rêve étrange qu’il tente de comprendre grâce à l’Oracle de Delphes...

Critique :

Avec #OedipeRoi, Pasolini confronte l'universel à l'intime et croque expérience déroutante, une sorte de songe onirique autant qu'une représentation hétérodoxe de la tragédie grecque, sous couvert d'une analyse de la corruption - ici innée - du pouvoir. Savoir, c'est (pou)voir. pic.twitter.com/B2H5cU89Hz
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 21, 2022

Avant de s'approprier la tragédie d'Euripide - Médée -, Pasolini avait fait de celle de Sophocle, Œdipe roi, un terrain d'expérimentation pour son exploration aussi consciencieuse et freudienne que personnelle (le mythe lui permettait d'aborder la relation particulière qu'il entrenait avec sa mère) de sujets classiques à mettre en opposition avec la société contemporaine - et plus directement l'Italie des 60s.
Puits sans fond de thèmes fascinants à aborder (l'identité individuelle, les rouages du pouvoir, le substrat mystique de la vie, l'inceste, l'aliénation, l'auto-flagellation,...), le cinéaste plaque son histoire dans l'Italie des années 20, quand Œdipe né d'un jeune mariage entre Laius et Jocaste, motivant son père à s'en débarrasser pour ce qui semble, pendant un temps, l'affaire de la jalousie.
Dès lors, l'action est catapultée dans la Grèce Antique où un serviteur de Laius, par pitié, ne tue pas Œdipe et le conduit aux souverains de Corinthe, le roi Polybus et la reine Mérope, qui l'adopte.
Les années passent et le jeune homme (formidable Franco Citti), tourmenté par un indicible rêve se rend à Delphes pour consulter l'Oracle d'Apollon, l'informe qu'il est écrit dans son destin qu'il assassinera son père et qu'il fera l'amour avec sa mère.
Croyant que Mérope et Polybe sont ses vrais parents, il décide de ne pas retourner à Corinthe et au cours de son errance, il tuera un à un une bande de voyageurs - dont son véritable père Laius - avant de rencontrer Angelo, qui l'informe que l'homme qui tuera le Sphinx obtiendra la main de la reine Jocaste et conduira Thèbes.

Œdipe s'exécute, tue le Sphinx et il devient roi, marié à Jocaste sa véritable mère et avec qui il vit un parfait bonheur jusqu'à ce qu'une peste terrible frappe Thèbes.
Il envoie son beau-frère Creon à l'Oracle d'Apollon pour trouver une solution, et celui-ci l'informe que pour sauver la ville et ses habitants, le meurtrier du précédent monarque, Laius, doit être puni de mort ou exil.
Une issue qui oblige Œdipe a enquêter et à découvrir qu'il est le meurtrier, qu'il a épousé sa mère et que si son père avait voulu le tuer bébé, c'est en raison d'une prophétie qui prédisait que sa propre progéniture causerait sa perte.
Convaincu de son parricide, de son inceste inconscient et d'être le produit du suicide de sa mère, il décide de se piquer les yeux et de quitter le palais pour commencer à errer dans la Rome moderne...
Œdipe roi se fait au coeur de son chaotique et fascinant monde déréglé, l'union complexe et contradictoire à la fois de deux caractéristiques fondamentales du cinéma italien : un réalisme viscéral et semi-documentaire (un " cinéma du réel " spontané), ainsi qu'un lyrisme militant presque anti-réaliste, dans une sorte de songe onirique autant qu'une représentation hétérodoxe de la tragédie grecque, sous couvert d'une analyse de la corruption - ici innée - du pouvoir.
Malgré quelques anachronismes, Pasolini confronte l'universel à l'intime et croque expérience éprouvante et déroutante où savoir, c'est avant tout et surtout (pou)voir.

Jonathan Chevrier