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[CRITIQUE] : Ventura


Réalisateur : Pedro Costa
Avec : Ventura, Vitalina Varela, Tito Furtado,…
Distributeur : Survivance
Budget : -
Genre : Drame, Documentaire.
Nationalité : Portugais.
Durée : 1h45min

Synopsis :
Ventura, manœuvre retraité cap-verdien, erre dans une Lisbonne labyrinthique et cauchemardesque. Il se remémore la manière dont lui et ses amis du quartier Fontainhas ont traversé la Révolution des Œillets, dans la peur de la répression. Dans son errance Ventura rencontre Vitalina qui lui raconte sa propre histoire d’exil.



Critique :


Un étrange concours de circonstance, fruit d'une distribution hexagonale il est vrai parfois chaotique, veut qu'on le découvre huit ans plus tard dans nos salles obscures, mais surtout quelques mois après le film qui le précède et auquel il répond finalement parfaitement (Vitalina Varela, tourné en 2019 et sortie en janvier dernier), le brillant Ventura de Pedro Costa, plongée obscure et désespérée dans le quotidien d'un homme dont le présent est torturé par le passé, troublé comme son corps peut l'être par la maladie, enfermé dans un état de souffrance constante d'où surgit la douloureuse résurrection de son esprit révolutionnaire, enterré certes par la force du temps, mais toujours vivant.
Cauchemars, désirs et réminiscences se rejoignent dans le portrait onirique et labyrinthique de cet ancien militant âge - même s'il est toujours convaincu d'avoir 19 ans -, traumatisé par la Révolution des Œillets et cette lutte pour l'impossible qui agite un corps déjà gangrené par le mal; dit portrait auquel il ajoute celui plus feutré de Vitalina, veuve revenue à Lisbonne pour enterrer son mari - et qui sera le formidable sujet du non moins formidable Vitalina Varela.

Copyright Survivance

Dans cette galerie de plans et de figures immobiles, de représentations à la recherche d'une lumière qui donne autant de vigueur que d'espoir, Costa ne cherche pas tant à égrainer une réflexion sur la violence sourde des luttes intestines ayant nourrit l'histoire du Portugal, mais bien plus de sonder la maigre notion de liberté qui s'inscrit bien plus dans la frontière ténue entre la vie et la mort, que dans toute promesse révolutionnaire.
Dite question révolutionnaire qu'il aborde ici comme une ombre persistante, une menace pesant sur les corps et les espaces, une obscurité qui semble vouloir empoisonner tout ce qu'elle touche et avant tout et surtout la vie elle-même.
Le songe malade du vécu qui surgit du passé dans le présent et qui prend lentement mais surement de plus en plus d'emprise sur le territoire qui sépare aujourd'hui et demain, la fin de vie et le trépas.
Plastiquement renversant, volontairement nébuleux dans sa structure comme pour mieux nous catapulter dans le voyage retors de son protagoniste, Ventura se fait un regard inquiétant, solennel et métaphorique sur une âme, symbole parmis des milliers, qui espère que la/leur vie change par désespoir, et dont les traumatismes ne sont que le fruit pourri de ses (fausses) promesses et d'une vie de douleur.


Jonathan Chevrier