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[CRITIQUE] : La Nuit du 12


Réalisateur : Dominik Moll
Acteurs : Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Johann Dionnet, Anouk Grinberg,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Thriller, Policier.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h54min.

Synopsis :
Le film est présenté dans la sélection Cannes Première au Festival de Cannes 2022.

À la PJ chaque enquêteur tombe un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre et qui le hante. Pour Yohan c’est le meurtre de Clara. Les interrogatoires se succèdent, les suspects ne manquent pas, et les doutes de Yohan ne cessent de grandir. Une seule chose est certaine, le crime a eu lieu la nuit du 12.



Critique :


Si le précédent effort du brillant cinéaste Dominik Moll, Seules les Bêtes, s'engouffrait déjà dans la noirceur et la détresse de l'âme humaine dans une sorte fusion entre le polar noir et le drame social, son nouveau long-métrage, La Nuit du 12, pousse sensiblement les potards au maximum et ce dès une introduction à la violence sourde et sans concession : un homme encagoulé jette de l'essence et brûle vive une jeune fille de 21 ans, Clara, au coeur d'une ruelle sombre d'une petite commune proche de Grenoble.
Le choc n'en est que plus fort lorsqu'on réalise l'importance du petit carton qui l'avait précédé, annonçant que comme un cinquième des enquêtes qui occupent le quotidien de la police judiciaire chaque année, cette affaire n'a jamais été résolue.
Un cold case parmi tant d'autres donc, vaguement inspiré d'un fait bien réel extrait du roman de Pauline Guéna, 18.3 - Une année à la PJ.

Copyright Haut et Court

À quoi bon compter les aléas d'une enquête qui n'a jamais eu de finalité, même malheureuse ?
Moll y répond, arguant avec puissance que l'important ne réside pas toujours dans la résolution d'une chasse à l'homme/suspect, catapultant son auditoire dans les rouages mécaniques et redondants d'une investigation de trois ans, flanqué aux basques de deux flics sensiblement opposés mais complémentaires.
La victime pourrait presque être Laura Palmer - toute propension et comparaison facile gardées -, si celle-ci n'avait pas disparue dans l'Amérique profonde mais bien dans celle finalement tout aussi dangereuse de la France profonde et so Chabrolienne, le cinéaste sondant lui aussi l'effondrement social et moral de la société au travers d'un acte abject et innommable, qu'il tente obsessionnellement de comprendre (surtout au travers du personnage de Yohan) à défaut de pouvoir le résoudre, malgré une large palette de suspects aux motivations diverses - entre jalousie, prédation sexuelle et excès libidineux.
En filigrane se dresse alors un portrait criant de la France contemporaine et de sa banalisation de la violence faîte aux femmes, un examen d'une misogynie systémique (qui se repercute jusque dans le cadre de la camaraderie machiste au sein de la brigade, via le personnage de Nadia) où les femmes sont à la fois victimes et - honteusement - jugées coupables des violences qu'elles subissent (dans le cas de Clara, elle est tenu responsable de sa volonté d'être une femme libre, de son envie de plaire et de multiplier les relations sans lendemain).

Copyright Haut et Court

Pas dénué de quelques longueurs mais porté par une écriture ciselée et habilement tournée vers ses personnages empathiques (Bouli Lanners est touchant de vulnérabilité, là où Bastien Bouillon, magistral, est clairement en mode Jonathan Groff dans Mindhunter), La Nuit du 12, ancré dans une réalité sensible et viscérale (renforcée par l'excellente partition d'Olivier Marguerit), incarne un impressionnant polar humain et tourmenté qui finit d'installer pour de bon Dominik Moll dans le club très fermé des meilleurs cinéastes français en activité.
Un bel uppercut qui nous laisse aussi hanté et dévoré de l'intérieur que son jeune inspecteur tenace et mué par l'énergie du désespoir.


Jonathan Chevrier


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