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[CRITIQUE] : L'Outsider


Réalisateur : Béla Tarr
Avec : Andras Szabo, Jolan Fodor, Imre Donko, ...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Hongrois.
Durée : 2h08min

Synopsis :
Dans une petite ville industrielle au cœur de la Hongrie, András échoue à nouer toute relation humaine et sociale stable. Son penchant pour l’alcool lui a fait perdre son poste d’infirmier dans un asile psychiatrique et, depuis, le jeune homme enchaîne les petits boulots. Côté sentimental, András n’est pas plus chanceux. Son seul véritable compagnon est un violon, dont la maîtrise lui vaut le surnom de Beethoven...



Critique :


Second long-métrage du brillant cinéaste hongrois Béla Tarr, L'Outsider est sans aucun doute le film le plus volontairement réaliste de son auteur, d'autant qu'il est le seul de sa filmographie à ne pas avoir été embaumé dans un noir et blanc élégant - avec, dans un sens, le drame de chambre férocement expressionniste Almanach d'automne.
Tout en couleurs malgré une narration sombre et désespérée, la caméra stagnante et portée à l'épaule de Tarr suit ici le parcours désenchanté et l'existence sans racines d'András, un jeune homme de Budapest qui partage son temps entre sa musique - il joue merveilleusement bien du violon -, des moments festifs - et alcoolisés - avec ses amis et les différents travails qu'il occupe avec nonchalance.
Un môme irresponsable, égocentrique et sans réel but dans la vie, une victime de la précarité sociale qui arrive tant bien que mal à survivre hors du système même s'il doit continuellement faire face à des problèmes personnels, familiaux et professionnels apparemment insolubles.

Copyright Carlotta Films

Mise en images naturaliste et au plus près des visages d'une tranche de vie amère et cathartique d'un inadapté social, où le cinéaste distille avec acidité son message politique dans la banalité du quotidien de son anti-héros (notamment la façon dont le prolétariat considère le changement social comme quelque chose d'abstrait, jusqu'à ce qu'il lui soit imposé), qui arrive à nous apparaître touchant même dans ses imperfections béantes (superbe performance d'Andras Szabo), L'Outsider se fait le portrait furieusement destructuré et pourtant saisissant des marginaux de la société budapestoise et de l'attitude nihiliste qui prévalait parmi eux.
Avec András, la rigueur de la vision de Tarr montre comment un comportement certes dysfonctionel mais avant tout et surtout gouvernance nationale défaillante et léthargique, peuvent amener toute une génération à passer à côté de sa vie.
Une vraie expérience de cinéma existentielle et improvisée qui incarne pourtant un film un poil mineur dans la foisonnante filmographie de son cinéaste, c'est dire la qualité incroyable de celle-ci...


Jonathan Chevrier