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[IN TEDDY’S HEIGHTS] : #2. Hommage à David Lean

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#2. Hommage à David Lean


Le 25 Mars 1908 naissait David Lean.


Credit: Far Out / Alamy / Wikimedia

Pour l'anecdote, il faut savoir que son frère Edward Lean est le fondateur du cercle littéraire des Inklings à Oxford. Parmi ses membres, il y avait notamment C.S. Lewis (Le monde de Narnia) et J.R.R. Tolkien (Le seigneur des anneaux), qui ont écrit leurs fameux ouvrages lorsqu'ils appartenaient à ce mouvement. David Lean a eu de belles fréquentations.

Sauf qu'il n'était pas intéressé par l'écriture. Il préférait passer son temps dans les salles obscures. C'est dans les années 1920 qu'il entre dans l'industrie du cinéma. Cherchant absolument à travailler dans l'industrie cinématographique, il passe 1 mois dans les studios de Gaumont pour être un assistant : celui à qui on confie le café, le thé, le courrier, etc.

Pourtant, David Lean adore l'ambiance, si bien qu'il devient au bout de quelques temps clapman. Il passe ensuite assistant opérateur, pour continuer à gravir les échelons en tant que troisième assistant réalisateur. Petit à petit il devient monteur, en commençant par les films d'actualités projetés avant les films. Evidemment, il se fait remarquer. Jusqu'à même être quelques années plus tard le monteur pour trois films du duo Michael Powell & Emeric Pressburger ainsi que pour Anthony Asquith et Leslie Howard. Grâce au montage, il obtient rapidement une grande réputation.

Il fait ses premiers pas en tant que réalisateur / metteur en scène en 1942, en étant aux côtés de Noel Coward pour Ceux qui servent en mer. Ils continuent à collaborer ensemble pour quelques films, jusqu'en 1945. Au sortir de la seconde guerre mondiale, il fait partie des quelques cinéastes qui donnent une nouvelle approche, une nouvelle voix au cinéma britannique. C'est avec Brève rencontre qu'il attire l'attention des professionnels et amoureux du cinéma à travers le monde.

Bien que le long-métrage ait été qualifié de "ode à la moralité petite bourgeoise britannique", il exprime un renouveau total. David Lean s'écarte complètement de toutes les comédies qui ont fait le succès du cinéma britannique avant la guerre. Dans son film, il n'est plus question de s'amuser, il est même question de névroses et de doutes. La répression des émotions est terminée, le cinéaste les expose sur le grand écran. Dans cette gare, deux êtres se retrouvent pour vivre leur amour interdit. Les sentiments et la sexualité deviennent des thèmes d'adultes, dans une étude de la morale. L'impact est énorme, car le récit fait partie des thèmes qu'il était impossible de transposer sur grands écrans avant la seconde guerre mondiale. Alors que la guerre est finie et que la recherche d'union à travers le cinéma est passée par là, les cinéastes britannique (David Lean compris) ont mis en scène une société en morceaux, emprunte à des doutes, avec des fragilités émotionnelles. La violence de la société et de ses mœurs entre dans le cinéma britannique, avec une esthétique très brute sur la noirceur d'un enchantement impossible.

Suite à ce succès, il adapte deux romans de Charles Dickens : Les grandes espérances en 1946 et Oliver Twist en 1948. C'est une période très romanesque dans l'œuvre de David Lean, tant le mélodrame et la vie intime de ses personnages sont les noyaux des films. Il y saisit la sensibilité d'une époque, les mœurs d'une société en plein changement. Tout cela avant de partir dans de grands paysages, pour capter l'extravagance de l'être humain. Mais comme le disait David Lean lui-même, il n'était pas convaincu que l'Homme puisse naître avec du Mal en lui, il était convaincu que le Mal apparaît avec des circonstances. C'est pour cela que les personnages ont toujours été l'élément le plus important de chacun de ses films. A chaque fois, il met en scène des êtres humains remplis de passion(s), tout en portant un soin minutieux à chaque détail de leur environnement.

Car c'est grâce au paysage dans lequel ils s'animent, que les personnages sont intéressants, selon le cinéaste. Ainsi, la composition d'une image devait être très claire, le son et la musique devient être une expression vive, les performances des acteurs devaient être nuancées, et le montage devait créer un rythme bien particulier. Tout ceci participait à ce qu'on pourrait appeler "le rêve d'ailleurs". Car chacun des personnages de David Lean expriment un désir via le mouvement dans de nouveaux paysages, ils cherchent à s'émanciper d'une situation pour trouver une condition fantasmée. Mais il serait bien réducteur de résumer le cinéma de David Lean à cela, tant il affirme à chaque film une diversité visuelle et thématique - tout en conservant le prisme de la passion.

Cette passion du sentiment amoureux, de la romance se retrouve être au centre de Les amants passionnés en 1949, Madeleine en 1950, Le mur du son" en 1952, Chaussure à son pied en 1954 et le célèbre et très beau Vacances à Venise en 1955.

A partir de là, sa carrière prend un grand tournant. Il a désormais l'opportunité de mettre en scène des films avec de plus gros budgets, et de toucher un public plus grand avec des productions internationales. Ce qu'il fait avec Le pont de la rivière Kwaï en 1957. Avec ce seul film, David Lean s'impose comme un cinéaste du grand spectacle et des grands thèmes du monde (comme la guerre). En un film, il en vient même à redéfinir l'approche de ce qu'on nomme aujourd'hui les "blockbusters".

Grâce à ce succès, son producteur Sam Spiegel lance la production du magnifique Lawrence d'Arabie qui sort en 1962. Après ces deux films très axés sur des événements de guerres, le cinéaste revient sur ses préoccupations principales : l'amour et la romance. Avec toujours autant de moyens, il transpose son exploration des sentiments dans la révolution russe de Docteur Jivago en 1965, puis dans l'Irlande déchirée de La fille de Ryan en 1970. Les retours très mitigés et l'échec commercial sur ces deux films ont un impact : il a du mal à retrouver les moyens de concrétiser ses projets. Il devait notamment réaliser le Gandhi finalement attribué à Richard Attenborough (1982), Le bounty attribué à Roger Donaldson (1984) et Out of Africa attribué à Sydney Pollack (1985).

Il finira sa carrière de cinéaste avec La route des Indes en 1984. Avec 16 films, 19 Oscars ont été remporté. Indéniablement l'un des cinéastes britannique les plus importants et influents de l'Histoire du cinéma. Son dernier projet devait être une adaptation folle du roman "Nostromo" de Joseph Conrad, qu'il n'a jamais pu mener à terme, mourant en 1991 d'un cancer.


Teddy Devisme