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[INSTANT LITTÉRATURE] : #4. Le monde selon Garp (John Irving)


 
" Quoi, un site centré sur le cinéma qui papote littérature, mais quelle hérésie ! ".Voilà une manière polie de dire " qu'est-ce qu'on est en train de foutre ", mais à une heure ou la littérature n'a jamais autant été liée au septième art (ah, Hollywood et son manque d'originalité...), nous avons trouvé de bon ton, en temps que media, de voir un petit peu plus loin que le bout de notre plume, et d'élargir notre prisme de partage culturel en papotant littérature donc, sans pour autant que cela soit lié au cinéma - même si cela arrivera certainement souvent.
Armez-vous de vos lunettes, d'un marque-page et d'un potentiel chèque-cadeau FNAC pour faire vos emplettes, et lisez un brin nos recommandations littéraires pleines d'amour, au coeur de notre nouvelle section : Instant Littérature !


#4. Le monde selon Garp de John Irving



Publié en 1978, Le monde selon Garp traverse la vie de son créateur John Irving autant qu'il s'est inspiré de sa vie pour l'écrire. Le livre nous emmène dans une véritable épopée familiale, de la matrice Jenny Fields, d'où commence l'histoire, à sa descendance. Il sera question de concupiscence, de création, de destinée et de féminisme dans un monde où le mot est encore une insulte.

Comment reconnaît-on une œuvre majeure ? Peut-être quand la-dite œuvre passe l'épreuve du temps et s'inscrit continuellement dans l'histoire collective... Si Le monde de Garp se situe entre les années 40 et les années 80, le livre n'a pas d'âge et trouve écho dans notre monde contemporain.

Tout débute par l'envie de maternité de Jenny, sans le besoin d'avoir tout l'attirail : mariage et mari. Alors que le célibat est considéré comme une tare suspecte pour une femme de son âge, Jenny refuse tout ce qui l'enfermerait dans une case patriarcale. Elle devient infirmière par provocation et tombe enceinte grâce à un officier de guerre qui perd peu à peu ses fonctions cognitives (mais pas ses érections !). Se déploie alors une première partie teintée par l'innocence de l'enfance et par la violence du désir des premières fois. Une douceur amère qui perdure lorsque le petit Garp grandit, se met à la lutte puis se décide à devenir écrivain pour les beaux yeux de Helen.

John Irving - © Elke Wetzig/CC-BY-SA

Mais la vie n'est pas un long fleuve tranquille et écrire n'est pas aussi facile que veut nous le faire croire Carrie de Sex and the City. Le monde selon Garp embrasse à la fois l'ambivalence de la création littéraire et les aléas de la vie : mariage, naissance, accident, mort. John Irving se refuse à la binarité. Le bien ou le mal n'existent pas, il n'y a que la nuance et ses possibles combinaisons. Allier la naissance sans la sexualité. Montrer l'amour sous toutes ses formes. Analyser le patriarcat sans complaisance et la difficulté d'accepter sa concupiscence et son statut d'homme, même si Garp possède la carte "mère féministe" dans sa poche. La fresque que nous propose Irving subit douloureusement la comparaison avec notre monde actuel. S'il met à mal la concupiscence des hommes dans les relations, dominées par les rapports de force, le livre évoque également les différentes strates du féminisme et les tensions qui existent au sein du mouvement. L'incompréhension face à la transidentité (et les violences qui lui sont liées) et face à ce qui sort de la norme. Avant même les réseaux sociaux, l'auteur analyse avec pertinence la place des victimes de viol et de violence sexiste et sexuelle dans les médias et à l'intérieur du militantisme. Alors que cette comparaison pourrait alourdir le récit et notre plaisir de lecture, Le monde selon Garp se garde des moments de légèreté pour compenser la violence. Le génie de John Irving tient dans l'équilibre entre les moments forts et les passages divertissants qui nous font passer du rire aux larmes en un clin d’œil. 

Le monde de Garp est un monde familier inscrit dans la fiction ou alors tout à fait l'inverse. On se plonge avec plaisir dans l'univers dépeint par John Irving : un monde cynique, triste, pervers, mais aussi créatif et parfois très drôle. Un monde vivant, "sexuellement suspect" et imprégné par la douleur d'écrire.


Laura Enjolvy

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