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[CRITIQUE] : The Lost Leonardo


Réalisateur : Andreas Koefoed
Acteurs : -
Budget : -
Distributeur : Piece of Magic Entertainment France
Genre : Documentaire
Nationalité : Danois, Français, Suédois.
Durée : 1h40min

Synopsis :
L'histoire derrière la peinture la plus chère jamais vendue au monde : le Salvator Mundi, ce tableau que l'on croit être une œuvre rare de Léonard de Vinci. Vendu aux enchères pour 450 millions de dollars en 2017 par Christie's à New York, on le pensait disparu au XVIIe siècle. Redécouvert en 2005 après avoir été acheté pour seulement 1175 dollars à une collection privée de la Nouvelle-Orléans, l’authenticité de cette œuvre aujourd’hui propriété du prince saoudien Mohammed ben Salmane, est toujours contestée dans de nombreux milieux.



Critique :


A tort ou à raison, la carrière du tableau Salvator Mundi de - ou non - Léonard de Vinci, estampillé comme la peinture la plus controversée de récente mémoire, représente tout autant la plus grande escalade de valeur de l'histoire de l'art.
Tout son parcours médiatico-artistique assez dingue est détaillé avec minutie dans le captivant documentaire d'Andreas Koefoed, The Lost Leonardo, un portrait du marché de l'art qui laissera bouche bée les néophytes, se déroulant comme une captivante enquête ou chaque nouvelle enquête remet continuellement en balance les - et nos - certitudes.
Nous alternons tout du long entre croire que le tableau est réellement de Léonard et... une gamme d'autres possibilités totalement crédibles aussi.
Est-ce un faux ? Un canular ? Une fausse attribution ?
Ou - très probablement - une œuvre si habilement recréée qu'il n'est plus possible de déterminer avec certitude l'apport de Léonard, s'il a effectivement joué un rôle...
Une enquête aussi déroutante donc, qu'incroyablement fascinante.

Copyright Piece of Magic Entertainment BV

Tout démarre en 2005, il a été acheté pour 1175$ par deux revendeurs américains qui ont cru déceler un réel potentiel dans cette toile sombre et décrépite, Alexander Parish et Robert Simon.
Ils confieront le bébé à la restauratrice Dianne Modestini, et c'est là que l'histoire de cette folle, qui a déjà été racontée longuement dans The New Yorker, prend totalement feu.
Au fur et à mesure qu'elle travaille sur le tableau, elle commencera à se sentir de plus en plus convaincue qu'il s'agit bien d'un véritable Léonard de Vinci.
Une certitude quasi-religieuse qui de fixe sur un simple détail, une subtile torsion de la lèvre que l'on retrouve également sur la Joconde, et qu'elle prend comme une marque distinctive.
Lorsque ce détail est montrée à Luke Syson, alors conservateur des peintures italiennes datant d'avant le 15ème siècle à la National Gallery de Londres, il réunit un groupe d'experts qui s'accordent - largement - à dire qu'il existe des preuves que l'oeuvre est née de la main même de Léonard.
Alors que des universitaires tels que Syson et le professeur d'Oxford, Martin Kemp, sont positifs quant à l'attribution, le cinéaste insère des voix dissidentes, celle du critique d'art new-yorkais Jerry Saltz (qui prétend que ce n'est même pas une bonne peinture), et du collectionneur d'art Kenny Schachter (qui a sa propre vision troublante des machinations du monde de l'art).

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Malgré un ensemble d'opinions d'experts plus que respectables qui attribuent le travail à De Vinci, le tableau s'avère difficile à vendre et ve n'est que lorsque l'audacieux acheteur Yves Bouvier intervient, avec accès aux coffres sans fond de Ryobolovev, que l'affaire se transforme en un folklore économique sans pareil.
En 2013, au nom de l'oligarque russe en exil, Dmitry Rybolovlev, Bouvier (que l'on pourra juger autant comme un homme culotté qu'un fou jouant littéralement avec sa vie) a acheté le tableau pour 75 millions de $, avant de la transmettre à son client pour... 127,5 millions de $.
Une majoration de 50,5 millions sous fond de commission colossale que Bouvier a facturée à Rybolovlev (qui dépassait le milliard de dollars, si l'on regroupe toutes ses transactions avec le milliardaire russe), sans que ce dernier ne sache réellement le fin mot de l'histoire.
Évidemment, il apprendra très vite le véritable prix du Salvator Mundi grâce à un article du New York Times, il lancera dès lors une action en justice massive contre Bouvier, qui a été arrêté en 2015 avant d'être libéré sous une caution de 10 millions d'euros.
Le bougre se bat d'ailleurs toujours devant les tribunaux aujourd'hui, avec un argument difficilement irréfutable : il n'a rien fait d'illégal.
Ce qui est, même si son activité florissante de stockage d'œuvres d'art a été bloqué par la justice, la vérité dans le sens où il a simplement profité du système de port franc (des limbes dépourvus de taxes/douanes et de formalités administratives, où les actifs peuvent être garés en toute impunité avant d'être blanchis) pour fournir un stockage sécurisé des œuvres d'art aux clients de grande valeur, et qu'il est donc finalement impossible de totalement le juger pour escroquerie.

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Une histoire folle qui culminera à l'ultime vente du tableau, pour un prix record mondial de 450 millions de $ chez Christies à New York, en novembre 2017, par le prince héritier saoudien Mohammad Ben Salmane, que tout désigna un an plus tard comme le commanditaire du meurtre et du démembrement du journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi, comme le démontrera l'excellent documentaire The Dissident de Bryan Fogel.
Une histoire purement cinématographique, que même la plus florissante des imaginations n'auraient jamais pu pondre...
Les experts étant toujours divisés, il est impossible pour Andreas Koefoed d'établir définitivement au coeur de son documentaire, que le Salvator Mundi est ou n'est pas une peinture signée Leonard De Vinci, et c'est pour cela qu'il choisit le contrepoint efficace d'accumuler un nombre imposant de preuves et d'opinions contradictoire, révélant avec puissance la cupidité, l'avarice et l'égoïsme dans le milieu du marché d'art contemporain, ou d'incalculables sommes d'argent et des réputations imposantes sont continuellement en jeu.
Trouver une peinture inconnue de Leonardo, c'est synonyme de gagner à la loterie, un rêve impensable pour tous les marchands d'art, conservateurs et autres collectionneurs, au point d'influencer le jugement (une attribution, même fausse, peut dynamiser le marché d'une œuvre et ajouter des millions à son prix).
Et c'est là que le documentaire tire toute sa force, pointant du bout de la caméra autant la tentation facile d'attributions corrompues et trompeuses (et tout dépend avant tout de la réputation de celui qui en fait l'authentification), que la propension que peut avoir chaque expert à ne pas être contredit et vouloir que son jugement soit considéré comme une vérité générale.

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On ne sait toujours pas aujourd'hui s'il s'agit d'une découverte symbolique ultime ou du raté le plus cher jamais vendu à un collectionneur riche et naïf (si le Louvre semble s'être prononcé prudemment en faveur de l'authenticité, le Prado a adopté une approche plus conservatrice, affirmant que l'œuvre était "attribuée à, autorisée ou supervisée" par De Vinci).
The Lost Leonardo, plutôt que d'apporter une réponse qu'il ne peut donner, se fait le portrait d'un marché d'art pourri par l'argent colossal qui coule dans ses veines et c'est, finalement, la vérité la plus importante qui soit...


Jonathan Chevrier


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