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[CRITIQUE] : La Croisade

Réalisateur : Louis Garrel
Avec : Louis Garrel, Laetitia Casta, Joseph Engel, Lionel Dray,...
Distributeur : Ad Vitam
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h06min

Synopsis :
Abel et Marianne découvrent que leur fils Joseph, 13 ans, a vendu en douce leurs objets les plus précieux. Ils comprennent rapidement que Joseph n’est pas le seul, ils sont des centaines d’enfants à travers le monde associés pour financer un mystérieux projet. Ils se sont donné pour mission de sauver la planète.



Critique :


Les premières minutes de La Croisade - clairement ses meilleures -, troisième long-métrage en tant que réalisateur de Louis Garrel (mais surtout ultime scénario de l'immense carrière du regretté Jean-Claude Carrière, qui nous a quitté en février dernier), laissent vite transparaître un sentiment d'enthousiasme que l'on n'aurait pas forcément cru de prime abord en rentrant dans la salle : même s'il fait directement suite à L'homme Fidèle, le film se fera infiniment moins déplaisant à suivre - tant mieux.
En une poignée de secondes inaugurale, Garrel subjugue par le ballet qu'il met en scène avec une énergie folle et un découpage au cordeau, pointant avec une ironie savoureuse la déconnexion lunaire de ses personnages adultes, plus enfantins et puériles que leur progéniture.
Retrouvant son trio Joseph (génial Joseph Engel), Abel (Garrel) et Marianne (Laetitia Casta), une discussion dans leur appartement haussmanien cossu vire lentement vers le chaos tragi-comique lorsque les deux aînés réalisent que leur rejeton a progressivement vendu la plupart des objets précieux leur appartenant, au nom d'un vaste projet écologique pour " sauver la planète ".

Copyright Why Not Productions

Tout le propos est ici, de la réaction immature des adultes à la sérénité active de la jeunesse, le matérialisme et l'égoïsme des premiers, face à l'autonomisation et la responsabilité citoyenne du dernier; en quelques scènes, Garrel touche avec dérision à la vérité d'une société contemporaine qui ne tourne vraisemblablement pas rond, un monde au clivage renversé ou ce sont bien les nouvelles générations qui se sentent ultra-concernés face à la crise écologique, là où ceux qui sont censés agir, sont - volontairement - engoncés dans leur inertie (résignation?) et leur ignorance.
Autant vissé sur la lente compréhension/prise de conscience d'Abel et Marianne que sur l'engagement écologique plein de candeur de Joseph (le penchant le plus convaincant des deux), le film se fait plus un conte familiale fantaisiste et ludique jouant du décalage générationnel, plus qu'une réflexion psychologique et sociologique poussée (ce qui rend parfois sa narration bancale, puisqu'il n'affronte pas frontalement son sujet), d'autant qu'il n'est jamais frappé par un quelconque esprit moralisateur (mais qu'il est tout de même complaisant dans son prisme, personnel et privilégié) et qu'il reste constamment à hauteur d'enfants.
Désinvolte et bienveillant tout autant qu'il est (trop ?) expéditif - soixante-six minutes au compteur -, La Croisade et sa narration parfois boiteuse (sa seconde moitié) ne vise pas toujours juste mais c'est sans doute ce qui fait pleinement son charme.


Jonathan Chevrier