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[CRITIQUE] : Au Crépuscule

Réalisateur : Šarūnas Bartas
Avec : Marius Povilas Elijas Martinenko, Arvydas Dapsys, Alina Zaliukaite-Ramanauskiene, Valdas Virgailis,...
Distributeur : Shellac
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Lituanien, Français, Tchèque, Serbe.
Durée : 2h07min

Synopsis :
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un village isolé en Lituanie, alors que la misère ne laisse place à aucune liberté, le jeune Unte et le mouvement des Partisans dans lequel il s’est engagé, doivent faire acte de résistance face à l’emprise de l’occupation soviétique. De cette lutte désespérée dépend l’avenir de tout un peuple.



Critique :


Des nations aussi " mineures " que peuvent l'être les républiques baltes, ont toujours considéré avec méfiance (et l'histoire leur a donné trop souvent raison) les mouvements territoriaux des pays voisins, supérieurs en taille et mais surtout en puissance militaire.
Cette attitude n'est pas tant le résultat d'une potentielle paranoïa ou d'un complexe d'infériorité, mais bien d'un pessimisme légitime face à une humanité qui n'aura eu de cesse de se déchirer au travers des siècles.
Le cas de la Lituanie est même presque un cas d'école tant leur longue impossibilité/incapacité d'indépendance causée par l'ambivalence décisionnelle et l'occupation de son voisin Russe (et même, un temps, par une Allemagne nazie qui l'avait conquis), a nourri cette vision défaitiste de l'idée d'indépendance et de leur capacité à se tenir debout.
C'est dans ce contexte difficile au coeur d'une Lituanie post-Seconde Guerre mondiale, que le cinéaste Sharunas Bartas, figure majeure du cinéma d'auteur lituanien au style aussi radical et épuré qu'il peut paraître gentiment hermétique pour les non-initiés, pose sa caméra pour mieux exposer la peur généralisée de toute une époque : à quoi bon défendre l'indépendance d'un pays quand il n'y a aucune chance de gagner face à une domination soviétique violente et surpuissante ?

Copyright Shellac Films

En mesurant la relation ténue entre l'histoire et les hommes avec un œil avilissant, le nouvel effort de Bartas capte autant les raisons que les contradictions et les trajectoires qui façonnent l'existence humaine, dépassant scrupuleusement les frontières des idéologies et des visions préconçues que la distance historique finit inévitablement par faire naître.
Il ne s'agit pas seulement d'une histoire sur le bien et ou mal, mais sur l'humanité dans toute sa complexité.
Catapulté en 1948, alors que le pays était placé de force sous domination soviétique, on y suit le quotidien troublé d'Unte et de son père Jurgis, dont la ferme familiale est au beau milieu des deux camps qui tiraillent la nation : d'un côté, des membres des autorités soviétiques qui collectent des fonds sous la menace des armes, et de l'autre, un petit groupe de partisans lituaniens, qui résistent en se cachant dans une zone boisée près de la maison.
S'ils n'exercent pas forcément de combat actif, la famille aide les guérilleros autant qu'elle le peut...
Portrait dénué de tout manichéisme et de toute impartialité sur une nation fracturée, Bartas plaçant pleinement son point de vue et son intention politique dans la résistance (au point de n'accorder aucun plan à la vision soviétique du conflit), sans pour autant faire preuve d'une sympathie totale pour les partisans (qui, bien qu'ils vivent en marge, n'est pas exempt de retomber dans les mêmes travers que ceux de la logique soviétique); Au Crépuscule pointe les dérives d'un état de paranoïa généralisée, une vision cruellement défaitiste du conflit ou le regret face à l'inéluctabilité du destin s'infiltre dans tous les pores de l'âme.

Copyright Shellac Films

Plongée complexe et défaitiste dans une Lituanie paralysée par le traumatisme d'une occupation/oppression incessante (ou l'étatisme du peuple lituanien contraste avec l'avancée lente mais imparable des troupes soviétiques), ou la survie ne peut venir que de la migration et non la résistance - puisque totalement écrasée -, Au Crépuscule est un uppercut pessimiste et épuré dans un cadre douloureusement crepusculaire (même s'il laisse pointer une petite lueur d'espoir), ou la caméra poursuit sans relâche les visages et les regards pour capter ces fragments de vérité qu'il est impossible de retracer ailleurs.
Une sacré expérience.


Jonathan Chevrier



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