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[CRITIQUE] : Albatros

Réalisateur : Xavier Beauvois
Acteur : Jérémie Renier, Marie-Julie Maille, Victor Belmondo, Iris Bry,...
Distributeur : Pathé
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h55min

Synopsis :
Laurent, un commandant de brigade de la gendarmerie d’Etretat, prévoit de se marier avec Marie, sa compagne, mère de sa fille surnommée Poulette. Il aime son métier malgré une confrontation quotidienne avec la misère sociale. En voulant sauver un agriculteur qui menace de se suicider, il le tue. Sa vie va alors basculer.



Critique :


Parfois au cinéma, et encore plus dans le giron gentiment casse-gueule du drame intime et sociale, le prisme le plus captivant qui découle d'une tragédie se trouve moins dans la culpabilité ou l'innocence de la personne directement touchée par celle-ci, que sur les pressions et les perceptions qui entourent et suivent l'action ambiguë qui l'a précipité dans de tels travers.
C'est vers ce versant que se dirige le nouveau long-métrage de Xavier Beauvois, Albatros (titre hautement symbolique, qui convoque directement cet oiseau hurleur qui est autant présage de bon comme de mauvaise augure, selon les mythes), vissé sur les atermoiements douloureux d'un commandant de brigade de la gendarmerie - Laurent -, dont la vie tranquille va basculer du jour au lendemain.
Un homme lambda et content de sa situation, passant d'un quotidien si ce n'est tranquille (il est un père aimé et aimant, et en passe d'épouser sa compagne de longue date) au moins contrôlé (tant il a continuellement la force de faire face aux pires travers de l'humanité - pédophilie, violences conjugales, pauvreté,...), à une spirale infernale, quand un terrible accident dans l'exercice de ses fonctions, vient bouleverser sa vie et ses certitudes pourtant férocement ancrées en lui.

Copyright Guy Ferrandis

Si la moralité des actions de Laurent et la justification de sa culpabilité - fruit de circonstances extraordinairement difficiles, il est vrai - n'incarnent pas vraiment la tasse de thé de Beauvois (tant, de manière plus ou moins discutable, elles sont acceptés par ses proches avec indulgence), en revanche, il creuse avec minutie l'interprétation intime du personnage, de sa sidération palpable face à son erreur d'appréciation qui fissure irrémédiablement la haute estime qu'il avait de lui-même, à son acceptation de l'événement (entre honte de soi, déshonneur, regrets et désir de rédemption).
Une spirale infernale non didactique et quasi-claustrophobique croissante (entre le doute, la responsabilisation évidente et la reviviscence constante des événements dans les enquêtes policières) dont il ne peut s'échapper que seul.
Une étude de personne à combustion (très) lente donc, dominé par la prestation digne et puissante de Jérémie Renier, dont le détachement est autant une force qu'une faiblesse plus ou moins mineure, tant la narration se perd parfois dans des intrigues secondaires déroutantes et inutiles, autant qu'il peut lui arriver de manquer d'une vraie connexion empathique, puisque même les personnages qui invitent à l'empathie - celui de sa femme en tête -, ne semblent pas avoir grand-chose à faire d'autre que de réagir à la ligne de conduite un brin égoïste de Laurent, avec une attitude commodément bienveillante.

Copyright Guy Ferrandis

Un menu défaut que l'on ne ressent cela dit jamais au coeur de l'ultime bobine, quand Laurent décide prendre la mer et combattre les éléments, pour mieux trouver la lumière au bout de son tunnel, Beauvois utilisant avec intelligence la férocité des éléments pour sonder les émotions et les luttes physiques et intérieures, de son sujet.
Mettant à l'épreuve à la fois son protagoniste principale et son auditoire, avec une grille émotionnelle réaliste et organique, tout en offrant un regard sans concessions sur un métier difficile autant que sur l'inaction politique face à un monde agricole à l'agonie; Albatros est un beau et émouvant drame humain sur des âmes brisées par la vie, certes entaché par quelques fioritures (dont une durée un poil trop longue) mais dont l’authenticité et la puissance qui s'en dégage, ne laisse décemment pas indifférent.


Jonathan Chevrier


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