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[CRITIQUE] : Our Ladies

Réalisateur : Michael Caton-Jones
Acteur : Tallulah Greive, Abigail Lawrie, Sally Messham, Eve Austin,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h40min

Synopsis :
Un groupe d’écolières écossaises se rend à Édimbourg pour participer à un concours de chant. Pour ces adolescentes issues d’une petite ville des Highlands, c’est l’occasion d’échapper à leur vie quotidienne et de s’amuser dans la grande ville. Ayant peu d’attentes quant à leur futur, Orla, Finnoula, Manda, Kay, Chell et Kylah sont déterminées à profiter de chaque instant de cette aventure mêlant amour, vie et amitié vraie.



Critique :

Au travers d'une approche socio-dramatique, le cinéma britannique a toujours exploré l'agitation d'une jeunesse qui lutte pour sa liberté. En adaptant la nouvelle de Alan Warner intitulée « The Sopranos », le cinéaste Michael Coton-Jones s'inscrit dans cette veine. Si bien que Our Ladies s'inscrit également dans cette lignée de films qui ont l'Écosse comme toile de fond, pour peindre les luttes de classe, la misère et l'isolement géographique. Cet espace est devenu petit à petit une sorte de terre d'exil pour les cinéastes, loin de l'urbanisation écrasante, pour offrir une liberté aux personnages. C'est dans ce voyage dans le nord de l'île britannique que les cinéastes y trouvent la poésie brute de la désolation et de la délivrance. Même si la rébellion serait un fil conducteur dans la plupart des films qui parlent de la jeunesse en Écosse, cette terre ne montre jamais le même tempérament. Il est possible de s'attendre à une comédie musicale de la part de Michael Coton-Jones. Mais les scènes de chants se font plutôt rares. Le groupe de cinq écolières catholiques se déplacent avec leur chorale à Édimbourg pour un concours, mais le cinéaste ne l'utilise que comme prétexte. Parce qu'il s'agit surtout d'une comédie, avec une part d'arcs narratifs dramatiques, où le parcours du voyage compte davantage que sa raison d'être.

Copyright Columbia Pictures

Les cinq adolescentes ne manquent pas de fougue, de spontanéité, d'insolence pour alimenter le ton comique du film. Tout cela pour que Our Ladies puisse parler d'émancipation personnelle et de liberté sexuelle, sans chercher à sexualiser ses protagonistes. Ce voyage est tel un élixir pour chacune d'entre elle, pour trouver ce qui manque tant à leur vie et à leur quotidien. Malgré toute l'énergie dont elles font preuves, elles ne cessent de répéter cette envie (voire le besoin) de quitter leur village de Fort William. Tout ce voyage est l'occasion pour elle de faire l'expérience de ce qui est impossible chez elles. Dans ce village isolé, les corps sont coincés, les rêves d'avenir ne sont pas réalisables. Tel un espace figé qu'il est impossible d'étendre. Ce voyage d'une journée permet aux adolescentes d'être libres, agressives, heureuses et excitées. Évidemment, il y a un réveil juste après. Celui qui rappelle le manque d'espoir, l'absence de perspective, avec la peine qui les accompagne. Malgré cela, ce voyage ne fait aucun tabou, puisque la chair est l'objet même du plaisir. Dès le début du film avec ce sous-marin à l'horizon et l'espoir de rencontrer des marins, les cinq adolescentes ont cette idée fixe d'avoir des relations sexuelles. Un espoir entre le rêve individuel et le folklore collectif, comme le montre la scène d'introduction. Our Ladies est un film remplit d'optimisme, de rencontres, où même le choix d'habits par les adolescentes est une expression de leur besoin de se libérer.

Copyright Columbia Pictures

Telles deux importantes scènes (l'une de karaoké et l'autre dans un appartement en soirée), le cadre montre que ce sont les filles qui ont le pouvoir, elles ont les cartes en main à chaque moment. Les cinq adolescentes sont les stars de leur propre vie. C'est pour cela que les images rayonnent et que la lumière est omniprésente. Par leur présence et leur énergie, elles font basculer l'ambiance d'un espace. Toutefois, Our Ladies a le défaut d'être très prévisible. Non pas dans l'évolution des relations entre les personnages (parce que le cinéaste explore chaque individualité pour se concentrer sur l'instant, et ouvrir divers portes différentes), mais dans leur parcours. Comme l'espoir est vain pour les adolescentes et donc le récit se focalise sur le voyage, la mise en scène se focalise trop sur les portes qui s'ouvrent sans explorer le chemin qui y amène. Dans tous ces moments spontanés, Michael Coton-Jones montre des personnages qui se transforment émotionnellement, mais il manque cruellement les étapes qui ont créé ces confusions. A cause de cela, le film répète inlassablement un seul et même motif de fougue, où chaque espace est une pulsion supplémentaire. A l'exception d'un seul espace, où deux adolescentes se confient et se révèlent. Mais voilà, cette belle scène est malheureusement coupée en plusieurs morceaux, où s'insèrent des scènes de fougue des autres adolescentes. Comme si une séquence purement dramatique et émotionnelle ne pouvait pas tenir toute seule.

Copyright Columbia Pictures

Cette écriture, qu'elle soit au scénario ou au montage, ne favorise jamais la dramaturgie derrière cette fougue. A tel point qu'il faut des flashbacks lourdement explicatifs pour raconter le contexte émotionnel des personnages. Le montage ne laisse jamais le récit respirer, ni même ses personnages. Avec son écriture presque télévisuelle, chaque espace devient petit à petit une anecdote qui s'empile sur une autre. La mise en scène s'éparpille sans cesse, ne réussissant jamais à dépasser le stade de l'innocence joyeuse et excitée. C'est ce qui arrive lorsqu'on se force à donner un malheur différent à chaque personnage. Comme si chaque adolescente devait représenter une misère en particulier. Our Ladies a ce côté catalogue et panorama des drames de la jeunesse vivant dans un village isolé d'Écosse. Il y a l'adolescente enceinte, il y a le manque terrible d'argent, il y a la maladie, il y a la solitude, il y a l'incertitude sur la sexualité, il y a l'aspiration impossible, et il y a la discrimination sur le mode de vie. Our Ladies remplit beaucoup de cases, sans que ces tourments ne servent réellement le récit. Parce qu'au final, elles sont toutes dans le même bateau. Elles sont toutes dans ce même voyage vers le besoin de liberté et de fougue. Mais voilà, chaque espace est une anecdote et non une nécessité absolue. Une mise en scène qui ne donne pas vraiment d'épaisseur à la tragédie derrière la fougue (celle associée fatalement au village isolé), telle une cécité face aux espaces problématiques. Et même malgré la présence amusante de Kate Dickie, géniale dans ce contre-emploi total de ce qu'on a l'habitude de voir d'elle, le film limite totalement la présence des adultes. Le besoin de liberté de cette jeunesse se bat contre qui, contre quoi, précisément ? Et bien le film ne le montre pas.


Teddy Devisme



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