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[CRITIQUE] : Une femme du monde


Réalisatrice : Cécile Ducroq
Avec : Laure Calamy, Nissim Renard, Béatrice Facquer, Romain Brau,...
Distributeur : Tandem
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Français
Durée : 1h37min

Synopsis :
À Strasbourg, Marie se prostitue depuis 20 ans. Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Et un fils, Adrien, 17 ans. Pour assurer son avenir, Marie veut lui payer des études. Il lui faut de l'argent, vite.



Critique :

Forte d’une carrière de scénariste de séries à succès (Le bureau des légendes, Dix pour cent, …), Cécile Ducroq présente son premier long métrage, qui sort dans nos salles obscures le 8 décembre. Dans Une femme du monde, elle retrouve son actrice fétiche, Laure Calamy, qu’elle avait déjà filmée dans son court métrage La contre-allée, César 2016 du meilleur court métrage.

Marie est une travailleuse du sexe, par choix. Elle aime son métier, chouchoute ses clients et vit sa vie tranquillement à côté. Elle est une femme du monde, mais aussi une mère d’un adolescent perdu et déboussolé dans son choix de carrière. Film social plutôt que film de mœurs, Une femme du monde n’est ni le récit d’une victime devant vendre son corps par contrainte, ni un jugement de valeur par rapport au choix de métier de son héroïne. La cinéaste décide de poser sa caméra dans le milieu de la prostitution pour mieux casser le mythe de la méritocratie et de l’élévation de classe.

TANDEM Films

C’est avec beaucoup de pudeur et de simplicité que Cécile Ducroq filme Laure Calamy. Marie, son personnage, est une femme libre et indépendante, fière de son métier, fière de son corps et de ses capacités sexuelles. En toute décontraction, elle invite ses clients chez elle, demande leurs préférences, combat les doutes et propose même de leur en apprendre plus sur le corps des femmes. Le film ne s’attache pas à la sexualité même de cette travailleuse du sexe et préfère montrer les à-côté : la négociation des tarifs, la crise du milieu depuis la loi de la pénalisation des clients, les manifestations pour obtenir des conditions de travail plus sûres. Mais cette partie du récit va vite être mise de côté quand les problèmes de son fils vont prendre de l’ampleur. Adrien est en échec scolaire et commence à sombrer dans un engrenage inquiétant. Il se fait virer de son lycée et préfère s’enfoncer plutôt que de se battre pour réaliser son rêve : devenir chef cuisinier. Parce que pour lui, les gens comme eux, précaires et en bas de l’échelle des classes, n’ont aucune chance de réaliser leur rêve. Alors Marie, femme du monde devient mère courage. Elle quitte ses clients fidèles (plus ou moins), quitte le cocon de son foyer pour aller travailler dans un bordel allemand, à la frontière. Quitter sa liberté et son indépendance pour gagner plus et permettre à Adrien de s’inscrire dans une école privée de cuisinier, hors de prix.

TANDEM Films

Hélas, c’est à partir de ce moment-là que le long métrage s’enlise dans une narration éparse qui ne convainc absolument pas. Nous ne comprenons pas bien l’urgence dans laquelle les personnages s'engouffrent, surtout au vue de la finalité de cet enjeu, qui voit les efforts et les sacrifices de Marie ne servir à rien. Les disputes entre mère et fils, la paresse (presque cliché) de l’adolescent, l’école de cuisinier peu encline à aider les nouveaux élèves en difficulté, … Tout ceci paraît forcé, programmatique. Le film perd sa belle singularité, son minimalisme assumé pour un drame social classique, sans réel impact. Si la volonté de mettre à mal la méritocratie, le dicton « travailler plus pour gagner plus » est bel et bien là, nous sommes cependant face à un film qui trouve vite ses limites scénaristiques.

Une femme du monde ne fait que toucher du doigt une problématique intéressante (la précarisation des travailleur⋅ses du sexe à cause d’une plus grande exploitation d’immigrées par des macs sans scrupules, la fétichisation des femmes « exotiques », le milieu du bordel allemand) pour un récit social bancal. Et c’est d’autant plus dommage au vu du jeu d’actrice incroyable que déploie Laure Calamy, qui porte le film à elle seule avec une simplicité confondante.


Laura Enjolvy



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