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[CRITIQUE] : La Fièvre de Petrov


Réalisateur : Kirill Serebrennikov
Avec : Semyon Serzin, Chulpan Khamatova, Yuriy Borisov,...
Distributeur : Bac Films
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique.
Nationalité : Français, Russe, Allemand, Suisse.
Durée : 2h25min

Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2021

Affaibli par une forte fièvre, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, à la lisière entre le rêve et la réalité. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent…



Critique :


C'est presque une création de genre à lui seul qu'incarne la nouvelle claque de Kirill Serebrennikov, La Fièvre de Petrov, sorte d'expérience fabuleusement bilieuse et humide, un cauchemar fiévreux (facile) ou sa caméra se balade dans les méandres d'un réveillon apocalyptiquement sombre du Nouvel An.
Une de ses séances pour laquelle il ne faut absolument s'attendre à comprendre tous les détails de cette aventure rocambolesco-dégueulasse - basée sur le roman d'Alexei Salnikov -, une plongée dense dans le quotidien mais aussi l'esprit de Petrov, un dessinateur de bande dessinée travaillant au noir comme mécanicien - ou l'inverse - qui tousse et éternue à cause d'un virus (non, pas celui que vous pensez...), et ressemble à rien de moins qu'un cadavre ambulant.
Entre classicisme tolstovien, modernisme transpirant et dystopie littéralement barré, le tout emballé dans une mise en scène über théâtrale, le long-métrage choque, brutalise et décontenance au point que l'on se demande constamment si Serebrennikov semble réellement savoir où il va, et s'il ne se moque pas un brin de notre poire.

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Et c'est là que l'effort prend tout son sens, véritable farce satirique aussi déglinguée qu'absurde, ou le papa de Leto ne nous indiquera jamais vraiment le moment où la réalité cède la place à l'hallucination induite par la grippe, tant les jonctions entre le réel et l'imaginaire sont invisibles, tant les frontières entre les séquences d'éveil, de rêve ou même de souvenir, sont férocement poreuses.
Lorsque l'on pense maîtrisé un tant soit peu la vérité de l'écran et trouvé notre chemin dans ce récit linéaire au coeur d'un labyrinthe, celui-ci s'évapore, se renverse pour mieux nous désorienté, même si chaque pas que nous faisons découle directement du précédent.
Formellement incroyable autant qu'il est narrativement illisible, La Fièvre de Petrov est une expérience brute et minutieuse dont l'ironie, la folie et le catastrophisme ne peut s'apaiser avec des hectolitres de vodka ou de Tylenol; une oeuvre à part qui laisse le sentiment pugnace que dans ce chaos plus évocateur qu'il n'en a l'air, notre société contemporaine - et pas uniquement russe -, est frappée d'une maladie bien plus grave qu'un simple virus passager.


Jonathan Chevrier