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[CRITIQUE] : Je m’appelle Bagdad


Réalisatrice : Caru Alves de Souza
Acteurs : Grace Orsato, Helena Luz, Karina Buhr,...
Distributeur : Wayna Pitch
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Brésilien.
Durée : 1h36min.

Synopsis :
Bagdad est une skateuse de 17 ans qui vit à Freguesia do Ó, un quartier populaire de la ville de São Paulo, au Brésil. Bagdad skate avec un groupe d'amis masculins et passe beaucoup de temps avec sa famille et avec les amis de sa mère. Ensemble, les femmes qui l'entourent forment un réseau de personnes qui sortent de l'ordinaire. Lorsque Bagdad rencontre un groupe de skateuses féminines, sa vie change soudainement.



Critique :


Il y a un parallèle assez édifiant dans le fait que le cinéma - riche et passionnant - brésilien, a embrassé une forme de liberté créative sans contrainte, à mesure que le paysage politique et social du pays s'est sensiblement assombrit, avec l'arrivée au pouvoir de Bolsonaro.
Comme s'il y avait un besoin réellement conscient, d'offrir un léger rayon de lumière et d'espoir aux spectateurs (et peut-être aussi, a soi-même), au sein d'un quotidien morose et à la tension permanente.
C'est pleinement dans cette veine que s'inscrit le second long-métrage de Caru Alves de Souza (l'inédit De menor), Je m'appelle Bagdad, chronique sociale brute et poétique épousant fougueusement les contours d'un portrait atypique d'une adolescente partageant son existence entre les femmes de sa vie - sa mère et ses soeurs - et leurs proches, ainsi qu'une bande de skaters dans laquelle elle incarne la seule fille.
Avec son look de garçon manqué, elle dénote dans une société où être à la marge est considéré comme une défiance de l'autorité en place, et où être une femme est synonyme de combat au quotidien (entre remarques sexistes - même venant de proche -, et violences/humilations mysogines venant même des " représentants " de la loi).

Copyright Camila Cornelsen

Donnant - de la mise en scène au montage - pleinement et passionnément la parole à l'expression fougueuse des corps, que ce soit lorsqu'ils glissent sur leurs planches à roulettes dans les rues de Sao Paulo ou lorsqu'ils dansent et interagissent avec enthousiasme et - quasi - innocence, faisant d'eux autant un véhicule de communication qu'un puissant marquage dans le temps et l'espace; Caru se focalise néanmoins bien plus sur celui de Bagdad (superbe Grace Orsato), un corps qui souffre autant qu'il se bat, qui occupe les espaces pour mieux se démarquer et se définir.
À travers son récit initiatique/d'apprentissage aussi rude qu'il est solaire et fantaisiste, la cinéaste aborde des thèmes aussi universels (l'importance de la famille, les turpitudes de l'adolescence et du difficile passage à l'âge adulte, l'importance de la diversité, la place de la femme dans la société,...) que moderne (l'uniformisation de la beauté, la nécessité et de la solidarité et de la sororité pour lutter face à une société misogyne et sexiste), au travers d'une pratique du skateboard qui cristallise autant l'oppression (l'usage strictement ou presque, est réservé aux garçons) que l'espoir d'un changement (un sport qui mène à l'intégration autant qu'à l'affirmation de soi et même d'une certaine autorité sur les autres), dans sa fine réflexion sur la question de genre dans un Brésil au patriarcat (sur)dominant.
En résulte une oeuvre enthousiasmante et énergique même si un poil longuette et scolaire, sorte d'exutoire finement subversif et enlevé célébrant naturellement le girl power, et pour laquelle il est bien difficile de ne pas tomber sous le charme.


Jonathan Chevrier


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