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[CRITIQUE] : France


Réalisateur : Bruno Dumont
Acteurs : Léa Seydoux, Blanche Gardin, Benjamin Biolay,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français, Allemand, Belge, Italien.
Durée : 2h14min.

Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2021

« France » est à la fois le portrait d’une femme, journaliste à la télévision, d’un pays, le nôtre, et d’un système, celui des médias.



Critique :


Que le dernier long-métrage de Bruno Dumont reparte bredouille de la dernière Croisette, englué au coeur d'une compétition officielle qui, tout comme lui, n'a eu de cesse de diviser - jusqu'au plus haut sommet de son palmarès -, était sans doute la plus belle des preuves quant à la qualité de celui-ci, prouvant que le cinéaste était toujours aussi prompt à désarçonner son auditoire.
Mais force est d'admettre que rien ne pouvait laisser présager que son bien aimé France, avait tout de l'oeuvre kamikaze dégainant plus vite que son ombre.
Une satire cruelle et jouissive sur l'univers (pourri) des médias et le vedettariat journalistique, explosant la moindre parcelle du palais narcissien qu'incarne le star-système, pour mieux nourrir son portrait ambivalent et acéré d'une femme privilégiée (France de Meurs, tout est dans la double signification de son nom) qui n'a de cesse de se mettre en scène, mais dont les maux du coeur vont bousculer sa conscience.
Moqueur comme rarement, le Dumont tire tel un sale gosse sur tout ce qui bouge au coeur de la stratosphère médiatique et politique (entre une information manipulée et racoleuse visant à gonfler les égos démesurés de ceux qui la colporte, enivré tels des addicts par la moindre minute de gloire qu'ils peuvent gratter), n'hésitant pas à épuiser son récit dans une répétition de séquences visant à surligner au bazooka le cynisme révoltant et décontracté - voire même le nihilisme pur et simple - de ce microcosme d'élites corrompus, végètant dans une autarcie intellectuelle et prônant uniquement l'entre-soi.

Copyright RogerArpajou/3B

La vérité ne peut naître que dans la mise en images excessive de la mise en images excessive d'une société elle-même excessive et fausse (oui), cultivant un spectacle dégénéré ou tout le monde à sa part de responsabilité (ses artisans tout comme nous, ses spectateurs), même le cinéaste lui-même, dont le sarcasme jouissif s'amuse - quitte à se perdre parfois - de la laideur qu'il dépeint.
Même celle volontairement ridicule d'une héroïne qu'il tord dans tous les sens (superbe Léa Seydoux, dont la froideur naturelle fait ici des merveilles), monstre de foire dont il scrute les dernières lueurs émotionnelles dans un effondrement psychologique et intime qui laisserait presque transparaître une once d'humanité.
Farce tordue, misanthrope et débridée embaumée avec amour dans la musique déchirante de feu Christophe, France, constamment le popotin paisiblement posé entre le pamphlet cynique et le mélodrame affectueux, se fait le constat outrancier et méchant d'une société/idiocratie contemporaine à l'agonie; un ballet étrange mais jamais démagogique - ni réac - ou le vrai et le faux s'enlacent fougueusement pour ne plus faire qu'un.
Un film d'artifices sur l'artificialité du monde, aussi déprimant qu'il est puissant et amusant, une France qui ne sera pas belle pour tous (à l'image de la filmographie de son cinéaste, pourtant essentielle) mais qui vaut pleinement qu'on s'y attarde.


Jonathan Chevrier