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[CRITIQUE] : Red Rocket

Réalisateur : Sean Baker
Acteurs : Simon Rex, Suzanna Son, Bree Elrod,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame, Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h08min.

Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2021

Mikey Saber revient dans sa ville natale du Texas après des années de carrière de pornstar à Los Angeles. Il n'y est pas vraiment le bienvenu... Sans argent, sans emploi, il doit retourner vivre chez son ex-femme et sa belle-mère… Pour payer son loyer, il reprend ses petites combines mais une rencontre va lui donner l’espoir d’un nouveau départ.


Critique :



D’abord relativement méconnu en France, Sean Baker avait profité d’un petit buzz grâce à son long-métrage Tangerine, qui avait la particularité d’être filmé à l’iPhone. Il s’était ensuite fait repérer à Cannes grâce à The Florida Project, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs. Red Rocket, son dernier film, est néanmoins sa première apparition en compétition officielle au festival.
Spécialiste en portraits d’états-uniens laissés pour compte, Baker avait mis en scène, dans The Florida Project, Moonee, une enfant de 6 ans faisant les 400 coups dans le motel dans lequel elle vivait avec sa jeune mère. On retrouve un peu le même schéma dans Red Rocket : la Floride laisse place au Texas et on rencontre Mikey, un ancien acteur porno qui revient dans la région après une carrière à Los Angeles. Il n’est pas du tout apprécié mais possède une « tchatche » légendaire à laquelle personne n’arrive finalement à résister, que ce soit son ancienne petite-amie ou une adolescente qu’il convoitise.

Copyright Drew Daniels - 2021 Red Rocket Productions, LLC

Red Rocket se construit autour des paroles et du mouvement incessant du personnage, qui alterne les bavardages avec les déplacements sur son vélo entre la maison dans laquelle il est hébergé et le magasin de donuts dans lequel travaille sa (trop) jeune petite amie. Sean Baker déroute en faisant abstraction de toute morale dans le portrait de la masculinité qu’il filme mais en fait néanmoins une critique très fine, à travers quelques dialogues. Le réalisateur laisse son spectateur dans le doute, ne sachant jamais comment se positionner via son anti-héros, parce que Red Rocket ne tient toujours que sur un fil tendu – maîtrisé à la perfection.
Cette sensation de mouvement constant, cette saturation de l’espace sonore et ce portrait en arrière-plan d’une Amérique en proie à l’élection de Donald Trump aurait pu devenir un doublon de The Florida Project mais ne tombe jamais dans le piège de la facilité. Ce n’est pas, contrairement à son prédécesseur, une bombe à retardement, mais une construction constante qui a le mérite de rester ouverte. L’approche du personnage est tout autre puisque Mikey n’est pas un enfant malmené par la société mais une figure qui malmène elle-même la société, qu’il s’agisse de son ancienne petite-amie, de sa belle-mère ou encore de la lolita qu’il fréquente.

Copyright Drew Daniels - 2021 Red Rocket Productions, LLC

C’est la dissection sans jugement de l’image d’un homme à mi-chemin entre une virilité étouffante et la loose qui lui colle à la peau. Sean Baker filme un monstre de l’Amérique au plus près et pose une réflexion sur la figure masculine dans un pays en plein doute. Red Rocket est un objet pop éreintant, aussi agaçant que fascinant, dans lequel le réalisateur estime son spectateur, c’est aussi une des meilleures œuvres présentées dans la compétition de ce 74ème Festival de Cannes.


Manon Franken