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[CRITIQUE] : Black Widow


Réalisatrice : Cate Shortland
Acteurs : Scarlett Johansson, Florence Pugh, Rachel Weisz, David Harbour, Ray Winstone,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Action, Espionnage, Aventure.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h14min.

Synopsis :
Natasha Romanoff, alias Black Widow, voit resurgir la part la plus sombre de son passé pour faire face à une redoutable conspiration liée à sa vie d’autrefois. Poursuivie par une force qui ne reculera devant rien pour l’abattre, Natasha doit renouer avec ses activités d’espionne et avec des liens qui furent brisés, bien avant qu’elle ne rejoigne les Avengers.



Critique :


Il est assez étonnant de voir comment un projet tel que Black Widow, premier film du MCU a être uniquement réalisé par une femme (une réponse plus que tardive à Wonder Woman, mais une victoire quand-même), est devenu par la faute des multiples reports et d'un désintérêt général presque total, une sortie lambda quatre ans après l'annonce de sa mise en route; estampillée première brique d'une Phase 4 dont le capital excitation est sensiblement moins important que pour ses aînées.
Flanqué peu de temps après les événements de Captain America : Civil War, avec une team des Avengers divisés en deux factions plus ou moins opposés, le standalone de Cate Shortland démarre avec une Natasha Romanov en cavale, ramenée dans le souvenir douloureux de son passé par une mystérieuse missive de sa sœur cadette, Yelena, dont elle a été séparée dans son enfance.

Copyright Marvel Studios 2020

Les deux filles ont été élevées sous la tutelle du général Dreykov, un mégalomane qui utilise des moyens chimiques et psychologiques pour laver le cerveau des jeunes filles afin qu'elles deviennent des agents impitoyables (ses fameuses «veuves»).
Retrouvant la seule famille qu'ils connaissent, Natasha dirige alors un petit groupe d'espions qui sont envoyés sous couverture pour arrêter Dreykov...
En tant qu'opus autonome, comparé aux efforts démesurés et exagérés de certains films des phases précédentes, Black Widow a une forme, une cohérence et un poids émotionnel réellement, chaque personnage ayant ce petit plus de profondeur l'élèvant gentiment au-dessus de leur écriture toujours aussi caricaturale.
Dans sa quasi-globalité, l'intrigue garde solidement le cap du film d'espionnage high-tech et musclé à la subtile saveur soviétique, parsemé de séquences d'action shootées et chorégraphiés avec une habiletée proche des aventures de Bourne et Bond (sans la désorientation immersive du premier ou le glamour british du second), pas même plombé par un humour facile plus ou moins bien amené (pauvre David Harbour, qui ressort sa panoplie beauf de Stranger Things); avant que l'enthousiasme procuré par sa vision ne se désagrège dans son dernier tiers exagéré et foutrement incompréhensible, boursouflé aux CGI.

Copyright Marvel Studios 2020

C'est dommage, dans le sens ou cet effort aux tenants certes vicieux (ce n'est pas tant un film solo sur une Natasha incarnée par une Scarlett Johansson un brin fatiguée, qu'un tremplin pour sa petite soeur/voleuse de scène incarnée par Florence Pugh), est un chant du cygne à part et involontairement mélancolique sur un personnage toujours - incompréhensiblement - laissé de côté, et cantonné au statut de soutien émotionnel/acolyte d'action (voire tout simplement de caution féminine) d'Iron Man, Captain America et Hulk.
D'autant plus que le ton du film prend intelligemment le contre-pied du tout venant Marvel, avec ses héroïnes qui, à la différence de Wonder Woman (élevée au sein d'une famille mais surtout d'une nation unie, et avec un but bien précis), ont été dépouillées des caractéristiques clés de la féminité pour en faire de meilleures combattantes les veuves portent bien leur nom : elles sont dépouillées de la capacité de se reproduire, d'avoir leurs règles et, par la force d'un conditionnement psychologique intense, d'aimer); des jeunes filles catapultées - réellement - à la dure dans l'âge adulte, et devant constituer leur propre identité fragmentée comme elles le peuvent.

Copyright Marvel Studios 2020

Blockbuster Marvelien mineur (si on peut l'être avec 200 millions de dollars au compteur), résolument plus intime dans son échelle et ses enjeux, suivant scrupuleusement le cahier des charges routinier de sa firme (jusque dans ses vilains profondément anecdotiques) tout en s'offrant parfois quelques sorties de route salvatrices; Black Widow de Cate Shortland ne fait pas péter l'algorithme de la firme ni n'offre pleinement le spin-off qu'aurait mérité le personnage (même une décennie trop tard), mais ce divertissement sous formule assume tellement tout du long son aura de parenthèse légère et oubliable, que cela lui donnerait presque ce petit chouïa de charme que bon nombre de films super-héroïques s'échinent à trouver en vain.


Jonathan Chevrier