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[CRITIQUE] : Minari


Réalisateur : Lee Isaac Chung
Acteurs : Steven Yeun, Ye-Ri Han, Alan S. Kim, Noel Kate Cho, Yuh-Jung Youn, Will Patton,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain
Durée : 1h56min

Synopsis :
Une famille américaine d’origine sud-coréenne s’installe dans l’Arkansas où le père de famille veut devenir fermier. Son petit garçon devra s’habituer à cette nouvelle vie et à la présence d’une grand-mère coréenne qu’il ne connaissait pas.



Critique :


Petit retour en arrière.
Déjà que la cérémonie ne brillait pas forcément pour sa décence ou même sa cohérence jusqu'ici, les Golden Globes ont atteint un nouveau pic révoltant en janvier dernier en disqualifiant purement et simplement le beau et tendre Minari, de la course à la statuette dorée du Meilleur Film dramatique, avec une excuse frisant gentiment avec le foutage de gueule : puisque ses personnages centraux conversent souvent en coréen, autant le bazarder dans la catégorie Meilleur Film Étranger pardi !
Pas mal, pour un film réalisé par un cinéaste américain, Lee Isaac Chung (qui était à deux doigts d'abandonner sa carrière dans le cinéma, pour lui préférer l'enseignement), produit par plusieurs studios américains et surtout, filmé en plein coeur de l'Arkansas... le respect s'apprend, mais pas par tous.
Un pur scandale pour un film qui est non seulement le plus beau de toute la course aux récompenses de la saison 2021 - avec Nomadland -, mais qui est surtout un long-métrage profondément américain jusqu'au bout de sa pellicule.
Une oeuvre luttant constamment avec l'image folklorique que le pays de l'oncle Sam incarne - celle d'une terre promise pour tous - et qu'il cultive faussement avec son fameux American Dream, dont la signification n'a plus le même sens (voire plus de sens du tout) aujourd'hui.

Copyright Melissa Lukenbaugh / Prokino/ A24

Vrai récit intime et personnel - puisque inspiré par la propre histoire de Chung -, dont le titre évocateur, Minari (une plante comestible tenace, utilisé dans la médecine et la cuisine coréenne) convoque instinctivement les thèmes de la mort et de la renaissance, le film suit les aléas de la famille Yi dont la patriarche, Jacob, est littéralement possédé par une quête difficile : déménager avec sa famille de la Californie vers le sud rural, où il espère cultiver les terres rugueuses de l'Arkansas, et les rendre prospère - alors qu'il est un novice en agriculture.
C'est ainsi que lui, sa femme Monica, leurs deux enfants (dont le plus jeune David, souffle problème cardiaque) et peu après la mère de Monica, Soonja; disent adieu à une relative stabilité, avec son travail régulier et sa communauté soudée.
Ils vivent maintenant dans une caravane garée sur un carré de terre agricole qui ne fait pas grand-chose d'autre que de promettre, à défaut d'offrir...
Enrobé par l'énergie douce et cotonneuse d'un songe d'enfance purement 80s (le tout sublimé autant par la photographie lumineuse de Lachlan Milne, que par le score espiègle d'Emile Mosseri), Minari est une oeuvre d'une délicatesse, d'une intensité et d'une tendresse extraordinaires ou la foi, comme au sein de l'Amérique, à une place prépondérante si ce n'est essentielle dans ses fondements mêmes.
Avec ses citations du Jardin d'Eden, des tempêtes bibliques ou ses nombreuses prières, le feu de la spiritualité embaume tout le métrage tel un pilier équilibrant tous les éléments les plus oniriques et émouvants du drame, sans pour autant renier le naturalisme qui le maintien constamment enraciné dans la réalité, ni même la puissance universelle de ses thématiques (la maladie, la transmission, la survie du mariage, l'espoir de créer quelque chose par soi-même, le traumatisme entre passé et présent, des personnes immigrés,...).

Copyright Melissa Lukenbaugh / Prokino/ A24

Merveille de mélodrame social discret et dévastateur, pourtant pas exempt de formidables moments comiques, dont le génie réside dans la façon dont son cinéaste ajoute de la profondeur et de la complexité autant à ces personnages (que ce soit Steven Yeun ou Ye-Ri Han, en passant par le craquant Alan S. Kim, tous sont parfaits), incarnés à la perfection, qu'à ces idées fondamentales (c'est dans les petits détails de la vie que se cache les regrets mais aussi l'amour et l'espoir); Minari, entre Ozu et Kore-eda, est une ruée vers l'humanité la plus pure et authentique, une chronique familiale poétique et quasi-mystique ou tout se cultive, surtout nos âmes.


Jonathan Chevrier