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[CRITIQUE] : Riders of Justice


Réalisateur : Anders Thomas Jensen
Avec : Mads Mikkelsen, Nikolaj Lie Kaas, Gustav Lindh, Roland Møller,  ...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Thriller, Comédie
Nationalité : Danois
Durée : 1h56min

Synopsis :
Un militaire déployé, Markus, rentre chez lui au Danemark après le décès de sa femme dans un accident de train. Il doit s'occuper de leur fille adolescente, Mathilde. Bientôt, Markus découvre que le déraillement ferroviaire qui a coûté la vie de sa femme n'est peut-être pas un malheureux accident...

Critique :

Alors que le cinéma du monde entier a connu des moments difficiles en 2020, à cause d’une pandémie qui continue de nous mener la vie dure en 2021, le cinéma danois, lui, a en quelque sorte prospéré. Le pays a enregistré un box-office historique, avec 50,4 % de part de marché pour leurs films locaux. Entre Klovn the Final de Mikkel Nørgaard, suite d’une série danoise très populaire, le nouveau film de Thomas Vinterberg Drunk et Riders of Justice, encore inédit en France, l’industrie danoise a montré sa force malgré la fermeture des salles de cinéma. Ce dernier fait justement l’ouverture de la 50e édition du Festival de Rotterdam, qui se tient du 1er au 7 février 2021. Une édition exceptionnellement en ligne, comme de nombreux festivals de l’année dernière et ceux qui ont été lancés cette année (Premiers Plans et Gérardmer notamment). Réalisé par Anders Thomas Jensen, il retrouve un casting d'habitués : Mads Mikkelsen, qu’on ne présente plus, Nikolaj Lie Kaas (la saga policière Département V) et Nicolas Bro (Men & Chicken). 

Copyright Film Nordysk

Présenté comme une comédie noire, Riders of Justice ne contient que très peu d’humour, malgré quelques scènes cocaces, pour se consacrer à une histoire poignante et dramatique. Emma et sa fille Mathilde (Andrea Heick Gadeberg) n'auraient jamais dû prendre le métro ce jour-là. Tout comme Otto (Nikolaj Lie Kaas), qui laisse gentiment sa place assise à Emma. Le train déraille, faisant de nombreux morts et blessés. À la place de la mère de Mathilde, il n’y a qu’un vide ensanglanté. Le mari d’Emma, Markus (Mads Mikkelsen), militaire très peu présent, rentre alors précipitamment faire face à son chagrin et à celui de sa fille, qu’il ne sait pas gérer. Statisticien de métier, Otto se persuade que la catastrophe n’est pas accidentelle, mais préméditée par un gang pour tuer un témoin crucial dans le procès en cours. Entraînant ses deux amis, eux aussi statisticiens, Lennart (Lars Brygmann) et Emmenthaler (Nicolas Bro), Otto convainc Markus de leur théorie du complot et ensemble, ils fomentent un plan pour se venger.
Riders of Justice s’éloigne des précédentes œuvres du cinéaste, qui nous avait accoutumés à des comédies loufoques et absurdes (comme en témoigne son dernier film en date, Men & Chicken). S’il ne se départit pas d’un ton parfois mordant, le scénario penche cependant vers le drame et les rares séquences d’action existent pour parfaire un propos plus profond sur le deuil et ses conséquences. Le film peint plusieurs portraits d’âmes torturées par de sombres traumatismes. La mort brutal d’Emma, au lieu de les rapprocher, éloigne Markus et sa fille, incapable de communiquer. L’accident de métro réunit des protagonistes qui n’ont rien en commun et qui n’auraient jamais dû se rencontrer. L’ironie de la vie et ses millions de possibilités les rassemblent dans un même lieu, avec une seule mission : trouver un coupable. Personnages peu agréables, parfois antipathiques, Anders Thomas Jensen refuse le pathos et préfère creuser vers des figures anti-héroïques. Le cinéaste ne les juge pas, malgré un esprit de vengeance assez développé, pour la simple et bonne raison qu’avant toute chose, nous avons devant nos yeux des hommes tourmentés, incapable de partager leurs émotions. L’obsession d’Otto alimente la violence de Markus et vice-versa, une spirale destructrice. Pourtant, l’espoir pointe son nez quelquefois, dans une routine qui prend forme, dans un repas partagé tous ensemble. Des moments fugaces, fragiles, illuminant les visages déformés par la tristesse. 

Copyright Film Nordysk

Privilégiant une atmosphère froide, le film se permet parfois des teintes chaudes dans les moments chaleureux, une image qui suit de près les émotions des personnages, sublimée par le chef opérateur Kasper Tuxen. Hélas, Rider of Justice manque cruellement d’un enjeu solide, le thème de la vengeance n’étant un vague prétexte à des scènes de gunfight, montrant un Mads Mikkelsen en tueur froid et déterminé. Le propos sur le deuil, véritable sujet du film, nous paraît affecté d’un ton mélodramatique peu subtil, à l’image de la dernière séquence marquée par une sorte d’happy-end poussif. Habitué à l’équilibre humoristique et à la comédie dramatique, Anders Thomas Jensen tâtonne encore dans le genre dramatique au premier degré.

Riders of Justice se démarque par un casting de qualité, interprétant magnifiquement ces beaux portraits d’âmes brisées. Cependant, les propos sur les coïncidences de la vie et sur le deuil peinent à prendre forme à cause d’un récit qui ne trouve jamais d’harmonie entre drame et humour grinçant.


Laura Enjolvy


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