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[CRITIQUE] : Archipel


Réalisateur : Félix Dufour-Laperrière
Avec les voix de : Florence Blain Mbaye et Mattis Savard-Verhoeven
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Animation, Documentaire
Nationalité : Canadien
Durée : 1h11min

Synopsis :
Un vrai film d’animation sur des îles inventées. Sur un territoire physique, imaginaire, langagier, politique. Sur un pays réel ou rêvé, ou quelque chose entre les deux. Archipel est un long métrage au dessin libre et à la langue précise, qui dit et rêve un lieu et ses habitants, pour dire et rêver un peu du monde et de l’époque.


Critique :


“Suis-moi” nous dit une voix féminine. Une invitation à entrer dans le nouveau long métrage du réalisateur québécois Félix Dufour-Laperrière. Archipel ressemble à une odyssée racontée en images d’archive et en animation. Une odyssée semi-fictive qui nous emmène dans l’histoire du Québec, capturée grâce à une composition créative de réel et d’imaginaire. Présenté dans la section Big Screen du Festival de Rotterdam 2021, nous plongeons avec délectation dans cet essai documentaire et philosophique.
Une silhouette se détache du fond noir. Une femme reflète un cours d’eau, des montagnes. Ce sont des images du fleuve Saint-Laurent. La voix-off et la silhouette animée se remplissent du paysage québécois et nous convient au voyage. Guide spirituel et historique, cette voix féminine conte l’histoire de cette région, du pays et se questionne sur les éléments qui forment une communauté, ce qui constitue un territoire. Une aventure poétique et personnelle du réalisateur qui a mis, comme dans tous ses films, quelques matériaux très intimes. Mais Félix Dufour-Laperrière nous laisse de l’espace pour y mettre notre propre questionnement.
Archipel peut se voir comme une continuité de Ville Neuve, précédent long métrage du réalisateur, qui intègre la géographie et l’histoire du Québec avec l’art visuel qu’est l’animation, brouillant les frontières entre le réel et une quête d’idéal artistique. Le récit du film suit le cours du fleuve et les îles qui le parsèment. Les deux voix-off qui nous guident dans ce voyage appellent une anthologie d’images d’archives, montage disparate, qui s'entrechoque avec le tourbillon coloré de traits animés. Ce mélange de genre nous transporte d’une atmosphère à une autre, d’un documentaire classique sur Saint-Laurent, à un film expérimental constitué de taches d’encre et de silhouettes qui s’élèvent. Les mots ont une place prépondérante, prenant l’espace dans le cadre, autant que dans nos oreilles. Ils nous signalent que l’Histoire est partiale et dépend de qui la raconte, les mots étant aussi malléables que de la pâte à modeler. Les voix de Florence Blain Mbaye et Mattis Savard-Verhoeven récitent des textes de Joséphine Bacon, qui incarnent tout autant que les images qu’ils décrivent, la diversité et la densité de ces lieux. Leur voix font émerger les images et vice-versa. Un mariage fusionnel, une allégorie de l’art cinématographique. 

La distributrice de Films

Archipel confronte notre regard sur le Québec et Félix Dufour-Laperrière se refuse à édulcorer la violence du passé. Un passé qui ne peut ou ne veut être raconté que par la voix féminine. Elle adopte un ton d’ouverture, jamais fermé par l’espace ou le temps. Elle ne fait qu’un avec les images, qui traverse son corps transparent, sans âge. Pour être en accord avec son propos sur la diversité d’une même histoire, le réalisateur a laissé une grande liberté à ses animateur‧trice‧s. Il a voulu réinsérer l’idée d'improvisation dans l’espace créatif du cinéma d’animation. Un acte symbolique que l’on retrouve visuellement avec un univers riche et désordonné, mais qui répond magistralement aux poèmes récités.
Archipel pourrait se résumer comme la quintessence même de la recherche créative de Félix Dufour-Laperrière, qui se sert du cinéma pour lier l’intime à une histoire plus collective. Au travers de son pays natal, le Québec, le réalisateur crée le sentiment que l’art transcende tout. Ici, il sert à transmettre un nouveau regard, plus critique, mais aussi plus optimiste dans l’avenir. Un cinéma qui appelle à la bienveillance mais qui n’oublie pas le passé.


Laura Enjolvy



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