[SƎANCES FANTASTIQUES] : #50. Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street
Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !
#50. Sweeney Todd, Le Diabolique Barbier de Fleet Street de Tim Burton (2007)
À une heure on l'on s'echarpe, entre les fans déchus, les éternels amoureux du bonhomme et les allergiques compulsifs, sur la perte (réelle) du mojo de ce bon vieux Tim Burton au difficile passage des années 2010 - voire un peu avant pour la majorité -, il est donc toujours de bon ton de revenir en arrière pour apprécier les meilleurs efforts du génie de Burbank, artiste insaisissable qui malgré les critiques lapidaires formulées à son encontre, continue de surprendre son monde, choisissant plus que jamais de suivre son instinct, même s'il le mène droit dans le mur.
Conteur hors pair, on ne peut plus à l'aise quand il s'échine à mettre en images les aléas souvent douloureux des freaks qui tentent tant bien que mal de s'adapter au conformisme et à l'aliénation lancinante de la société (ancienne comme contemporaine), son esprit frondeur semble pourtant lui-même atteint par les sirènes conformistes d'Hollywood, depuis son formidable Sweeney Todd, Le Diabolique Barbier de Fleet Street; adaptation passionnée de la comédie musicale populaire de Stephen Sondheim et Hugh Wheeler (elle-même inspirée de la légende du barbier londonien).
Nourrit par ses obsessions intimes (un projet qu'il a mûrement réfléchi pendant de longues années) et porté par son alter-ego ultime Johnny Depp (mais aussi son ex-compagne Helena Bonham Carter), son film est un chef-d'oeuvre pessimiste et radical, renouant avec le versant le plus sombre et fascinant de son art.
Donnant le ton dès son ouverture morbide et inquiétante, l'histoire suit celle de Benjamin Barker, un homme consumé par la vengeance et bien décidé à faire payé au sadique et libidineux juge Turpin; le bonhomme, qui poursuivait de ses assiduités sa femme - pour être poli, elle s'est suicidée avec du poison après son viol -, l'a injustement condamné au bagne et gardé sa fille pour en faire en temps et en heure, sa maîtresse personnelle.
Logique donc, que le Benjamin se la joue Paul Kersey du Londres Victorien et fasse du lascar et de ses acolytes, des cibles a abattre.
De retour dans l'établissement qui fut le sien quinze ans plus tôt, il fait la rencontre de la douce Miss Lovett, qui ne tardera pas à tomber sous son charme, et devenir sa complice dans ses tragiques et sombres exactions...
Comédie musicale loin d'être tournée vers un public familial, mais surtout formidable drame horrifique à la noirceur abyssale, psychologiquement et humainement perturbant, Sweeney Todd pue l'esprit Burtonien de tous les pores de sa pellicule, croquant la quête vengeresse - et sans le moindre désir de rédemption - d'un antihéros qui glisse lentement vers les limbes de la folie, ou il lui sera impossible de redevenir lui-même.
Sorte de versant sombre du Dark Knight (bras armé de la justice victime du destin et du crime qui gangrènait sa cité), pourquoi il pourrait être une excellente nemesis, mais surtout d'Edward aux mains d'argent, Barker pleure lui aussi son amour perdu mais préfère recracher son malheur sur le monde plutôt que de l'exprimer de façon solitaire et créative, dans sa tour d'ivoire.
Si le premier subit les lames qui lui serve de mains (mais dont le ressentiment est, tout comme son cousin britannique, indifférencié par tous), le second lui jubile quand il les tient dans ses mains, appendice criminel et monstrueux qui ne font plus qu'un avec son corps et son âme noircit (la scène ou il les exhume, plastiquement renversante, finit de le faire complètement passer du côté obscur).
D'un cynisme et d'une ironie mordante (jouant même assez souvent la carte du politiquement incorrect et du sous-entendu sexuel), convoquant autant l'esthétique blafarde et hypnotique des contes de la Hammer que les envolées sanglantes des giallis (des débordements graphiques et gores fleurant bon l'hommage sincère au roi Bava), bourré jusqu'à la gueule de séquences musicales (allergiques s'abstenir); Sweeney Todd est une adaptation autant qu'une réinterprétation soignée et personnelle, une odyssée vengeresse et douloureuse prenant les contours d'un amour impossible (puisque jamais partagé) entre deux âmes attachantes capables des pires immondices inhumaines, autant que d'un désir profond de (re)fonder le cercle familial, même dans le plus sinistre des cadres.
Une fable gothique démente, féroce et tout simplement grandiose, la renaissance fugace (chant du cygne ?) d'un cinéaste qui n'a jamais été aussi tranchant... reviens-nous Tim, et pour de bon.
Jonathan Chevrier
#50. Sweeney Todd, Le Diabolique Barbier de Fleet Street de Tim Burton (2007)
À une heure on l'on s'echarpe, entre les fans déchus, les éternels amoureux du bonhomme et les allergiques compulsifs, sur la perte (réelle) du mojo de ce bon vieux Tim Burton au difficile passage des années 2010 - voire un peu avant pour la majorité -, il est donc toujours de bon ton de revenir en arrière pour apprécier les meilleurs efforts du génie de Burbank, artiste insaisissable qui malgré les critiques lapidaires formulées à son encontre, continue de surprendre son monde, choisissant plus que jamais de suivre son instinct, même s'il le mène droit dans le mur.
Conteur hors pair, on ne peut plus à l'aise quand il s'échine à mettre en images les aléas souvent douloureux des freaks qui tentent tant bien que mal de s'adapter au conformisme et à l'aliénation lancinante de la société (ancienne comme contemporaine), son esprit frondeur semble pourtant lui-même atteint par les sirènes conformistes d'Hollywood, depuis son formidable Sweeney Todd, Le Diabolique Barbier de Fleet Street; adaptation passionnée de la comédie musicale populaire de Stephen Sondheim et Hugh Wheeler (elle-même inspirée de la légende du barbier londonien).
Copyright Warner Bros. France |
Nourrit par ses obsessions intimes (un projet qu'il a mûrement réfléchi pendant de longues années) et porté par son alter-ego ultime Johnny Depp (mais aussi son ex-compagne Helena Bonham Carter), son film est un chef-d'oeuvre pessimiste et radical, renouant avec le versant le plus sombre et fascinant de son art.
Donnant le ton dès son ouverture morbide et inquiétante, l'histoire suit celle de Benjamin Barker, un homme consumé par la vengeance et bien décidé à faire payé au sadique et libidineux juge Turpin; le bonhomme, qui poursuivait de ses assiduités sa femme - pour être poli, elle s'est suicidée avec du poison après son viol -, l'a injustement condamné au bagne et gardé sa fille pour en faire en temps et en heure, sa maîtresse personnelle.
Logique donc, que le Benjamin se la joue Paul Kersey du Londres Victorien et fasse du lascar et de ses acolytes, des cibles a abattre.
De retour dans l'établissement qui fut le sien quinze ans plus tôt, il fait la rencontre de la douce Miss Lovett, qui ne tardera pas à tomber sous son charme, et devenir sa complice dans ses tragiques et sombres exactions...
Copyright Warner Bros. France |
Comédie musicale loin d'être tournée vers un public familial, mais surtout formidable drame horrifique à la noirceur abyssale, psychologiquement et humainement perturbant, Sweeney Todd pue l'esprit Burtonien de tous les pores de sa pellicule, croquant la quête vengeresse - et sans le moindre désir de rédemption - d'un antihéros qui glisse lentement vers les limbes de la folie, ou il lui sera impossible de redevenir lui-même.
Sorte de versant sombre du Dark Knight (bras armé de la justice victime du destin et du crime qui gangrènait sa cité), pourquoi il pourrait être une excellente nemesis, mais surtout d'Edward aux mains d'argent, Barker pleure lui aussi son amour perdu mais préfère recracher son malheur sur le monde plutôt que de l'exprimer de façon solitaire et créative, dans sa tour d'ivoire.
Si le premier subit les lames qui lui serve de mains (mais dont le ressentiment est, tout comme son cousin britannique, indifférencié par tous), le second lui jubile quand il les tient dans ses mains, appendice criminel et monstrueux qui ne font plus qu'un avec son corps et son âme noircit (la scène ou il les exhume, plastiquement renversante, finit de le faire complètement passer du côté obscur).
Copyright Warner Bros. France |
D'un cynisme et d'une ironie mordante (jouant même assez souvent la carte du politiquement incorrect et du sous-entendu sexuel), convoquant autant l'esthétique blafarde et hypnotique des contes de la Hammer que les envolées sanglantes des giallis (des débordements graphiques et gores fleurant bon l'hommage sincère au roi Bava), bourré jusqu'à la gueule de séquences musicales (allergiques s'abstenir); Sweeney Todd est une adaptation autant qu'une réinterprétation soignée et personnelle, une odyssée vengeresse et douloureuse prenant les contours d'un amour impossible (puisque jamais partagé) entre deux âmes attachantes capables des pires immondices inhumaines, autant que d'un désir profond de (re)fonder le cercle familial, même dans le plus sinistre des cadres.
Une fable gothique démente, féroce et tout simplement grandiose, la renaissance fugace (chant du cygne ?) d'un cinéaste qui n'a jamais été aussi tranchant... reviens-nous Tim, et pour de bon.
Jonathan Chevrier