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[CRITIQUE] : Sylvie’s Love


Réalisateur : Eugene Ashe
Avec : Tessa Thompson, Nnamdi Asomugha, Eva Longoria, Aja Naomi King,...
Distributeur : Amazon Prime Video France
Budget : -
Genre : Romance, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h54min.

Synopsis :
Fin des années 1950-début des années 1960. New York. Sylvie rencontre le saxophoniste en herbe, Robert. Ce dernier est employé au sein du magasin de disques du père de son père à Harlem. Après une romance estivale, les deux tourtereaux doivent se quitter. Ils se retrouvent des années plus tard et constatent que les sentiments qu'ils ont l'un pour l'autre n'ont pas changé...



Critique :


Alors que Soul de Pete Docter, dernier né grandiose du studio Pixar, va logiquement truster l'attention aussi bien des cinéphiles que des spectateurs plus modestes, essayez tous, entre deux téléfilms de noël fleurant bon la guimauve et le vin chaud, de consacrer une petite place dans votre liste de visionnage au petit bijou qu'est Sylvie's Love de Eugene Ashe, romance douce et luxuriante enlacée dans le Harlem des 50's/60's et qui, comme les grands mélodrames de Douglas Sirk, est un bonbon sur pellicule merveilleusement sincère et réconfortant, dont il est bien difficile de ne pas tomber sous le charme.
Engagée mais pas amoureuse de son fiancé parti en guerre - la Corée -, Sylvie fille d'un disquaire new yorkais, s'émerveille au quotidien des merveilles de la télévision tout en ayant également des connaissances musicales encyclopédiques.

PhotoAmazon Studios

Un après-midi d'été, sa vie change de cap grâce à une collision parfaite entre deux constellations - ou la flèche de Cupidon, au choix -, lorsque le saxophoniste Robert se promène dans le magasin de son père, à la recherche d'un disque rare.
Rapidement, le duo devient un couple qui se promène dans la métropole en se prélassant dans la joie d'une romance clandestine qui semble de prime abord, uniquement le fruit d'un amour d'été, d'un instantané sans vrai avenir. 
Mais les conséquences sur le long terme n'ont pas encore perturbé leurs réjouissances oniriques de danse lancinante sous les réverbères et de baisers au crépuscule la nuit.
Mais la tragédie était appelée à les frapper, et l'inévitabilité du temps qui passe va les rattraper, tous comme leurs sentiments l'un pour l'autre (jamais vraiment enfouis) alors qu'ils se retrouvent six ans plus tard...
Force est d'avouer que la majorité des cinéastes jouant la carte du film d'époque, tombent souvent dans les travers du pastiche involontaire en tentant de recréer minutieusement les artifices et codes des oeuvres clés (en oubliant souvent que plus que l'esthétique, c'est avant toute chose le coeur en son sein qui compte), accouchant dès lors non pas d'hommages marqués, mais d'oeuvres
 sans style et même sans âme.
Un écueil que le pourtant novice Eugene Ashe (seulement deux efforts - dont celui-ci - à son compteur), parvient à éviter avec une maîtrise et une conscience totale du sous-genre qu'il cible, rendant dès lors son film non seulement brillant dans son vif hommage, mais aussi et surtout incroyablement passionnant à décortiquer tant il ne se contente pas de n'être qu'un bel et louable essai, puisqu'il fait aussi corps avec les grands enjeux émotionnels de l'époque à laquelle il s'attache.

PhotoAmazon Studios

Fonctionnant comme une romance conventionnelle entre passé et présent (et articulée sur de nombreux retour en arrière), tombant - amoureusement - tête la première dans le mélodrame aux tropes et clichés familiers, le film est rythmé de toutes les bordures de sa pellicule autant ses émotions (toujours mises en chanson avec une grande habileté), que par une volonté de bousculer discrètement - mais tout aussi radicalement - les choses, en donnant aux acteurs issus de minorités la possibilité d'habiter un espace brillant et majoritairement dépolitisé (même si le personnage d'Aja Naomi King fournit un soulagement comique salutaire et une vraie conscience sociale, en tant que cousine activiste de Sylvie) qui leur était à l'époque, totalement interdit.
Si le film n'est - heureusement - pas aveugle au climat raciale de l'époque (qui n'épargne rien ni personne, pas même la petite bourgeoisie de la Grosse Pomme), il n'en fait pas pour autant le moteur de son récit, et les personnages vivent l'adversité bien plus à cause des conséquences de leurs actes, de leurs désirs émotionnelles et de leurs aspirations professionnels, que par quelque chose qu'ils ne peuvent maîtriser; leur permettant ainsi d'aimer, de travailler et surtout d'exister sans que leur couleur de peau ne devienne constamment la force déterminante de leur vie et, plus directement, de l'histoire.
Dansant sur le flux de sa bande-son séduisante et spécifique aux 50's (les amoureux du blues et du jazz seront aux anges), la péloche est une danse langoureuse qui affiche des pas certes conventionnels, mais férocement renversant.

PhotoAmazon Studios

Pas si éloigné de La La Land dans son exploration du désir amoureux confronté à la réussite professionnelle (avec les joies et les désillusions qui en découlent), le film offre également un magnifique portrait de femme complexe, déterminée et ambitieuse.
Avec une sensualité mesurée, Tessa Thompson (dans une performance remarquable, d'une délicatesse émotionnelle folle) fait passer Sylvie de la frivolité juvénile d'une liaison torride (son alchimie avec un Nnamdi Asomugha magnétique, est palpable) à l'attitude résolue d'une femme mature avec ses propres aspirations professionnelles et qui refuse, plus d'une fois, de suspendre sa carrière pour l'amour d'un homme qui poursuit sans vergogne la sienne.
Transpirant fabuleusement l'aura du vieil Hollywood (de la direction artistique de Phoenix Mellow à la photo lumineuse de Declan Quinn), privilégiant l'amour et l'humanisme à la politique, Sylvie's Love conte l'histoire réjouissante et universelle d'un homme et d'une femme imparfaits l'un pour l'autre, mais désireux d'être ensemble.
C'est simple dit comme ça, mais c'est justement tout ce qui en fait sa beauté.


Jonathan Chevrier



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