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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #135. Rambo III

Copyright Carolco Pictures

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se baladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leur mot à dire...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !


#135. Rambo III de Peter MacDonald (1988)


Au milieu de l'année 1987, et avant que la troisième aventure sur pellicule de John Rambo ne vienne débuter ses prises de vues, Sylvester Stallone est à l'aube de la période la plus délicate de sa carrière : psychologiquement au creux de la vague (il vient d'enchaîner deux divorces en à peine deux ans), il commence à voir son statut de moneymaker number one d'Hollywood gentiment se fissurer suite au succès timide de Cobra, mais surtout du flop monumental du pourtant sympathique mélo burné Over The Top - Le Bras de Fer, pour lequel il a pourtant touché le plus gros cachet de sa carrière.
Le comeback de son monstre de Frankenstein deux ans après son carton immense au B.O. mondial, est donc sa potentielle bouée de sauvetage à ses yeux, et il veut faire les choses en grand pour ce retour; exit les traumas du Vietnam, bonjour la grande aventure guerrière à l'ancienne, transpirant les grands espaces sans pour autant totalement renier ses appartenances au cinéma d'action.

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Estampillé plus grosse production de l'histoire à l'époque - 63 millions de $ de budget, dont 16 rien que pour Sly -, le film va connaître une gestation des plus houleuses, entre les nombreuses réécritures de sa vedette (reprenant inlassablement la première monture de Sheldon " Bloodsport " Lettich), la valse des directeurs photos mais aussi celle des réalisateurs (Russell Mulcahy, remercié au bout de deux semaines après avoir cornaqué quelques-unes des meilleures scènes du film, dont l'attaque du fort russe), jusqu'à ce que Peter MacDonald, réalisateur de la seconde équipe sur l'opus précédent mais surtout un artisan facilement dirigeable pour Stallone (officieusement derrière la caméra, comme avec Cosmatos), ne " prenne " les commandes et rende un peu plus serein un tournage compliqué, entre la Thaïlande, Israël et l'Arizona.
Si le contexte est troublé, l'histoire elle-même l'est nettement moins, abandonnant même les contours manichéens de son prédécesseur pour lui préférer une intrigue qui allait certes vite devenir hors de propos face à l'actualité (en effet, le " Vietnam des Russes ", l'Afghanistan, sera déserté par l'armée de l'URSS quelques semaines avant la sortie du film), mais à l'humanité peut-être encore plus éclatante.
Ne se cachant pas de vouloir faire son Lawrence d'Arabie avec du muscle et des explosions (et entièrement masculin, avec aucune femme dans les rôles d'importance), Stallone trace les lignes d'une odyssée réaliste, ou Rambo n'évolue plus totalement en tant que symbole de la guerre du Vietnam - tout à été dit sur lui à ce sujet -, mais bien plus en tant qu'homme, questionnant autant son moi intérieur que son intégrité et le fondement même de la guerre, souvent futile et ne menant qu'à la mort.

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Un revirement rafraîchissant dans le ton, avec même un poil d'humour (" lumière bleue "), mais qui est totalement ambivalent dans la forme, car si Rambo se remet continuellement en question et ne tue plus sans raison, il aligne pourtant les corps à gogo pour aller sauver son père de substitution, Trautman (qu'il pense avoir abandonner au moment où il avait le plus besoin de lui), mais c'est un choix qu'il fait de lui-même, et qui n'est plus le fruit d'un ordre venant d'un de ses supérieurs et même de son propre pays.
Car la vraie différence avec les deux premiers films de la saga, c'est que Rambo épouse enfin totalement sa liberté, assumant peu à peu (avant de le faire pleinement dans le quatrième puis, surtout, dans le cinquième film) son statut de machine de combat affûtée et brutale, qui n'a plus besoin d'une cause (vengeance, traumatisme, etc) pour déclencher la bête qui est en lui, comme le prouve l'anthologique - mais un poil kitsch - ouverture thaïlandaise, et son combat aux bâtons.
Intense, spectaculaire et rythmé au cordeau, Rambo III est tel un cheval sauvage qui court dans des pleines désertiques et qui ne se fatiguent jamais, tutoyant parfois une grâce improbable (certaines séquences, magnifié par le score lyrique d'un Jerry Goldsmith inspiré, rivalise avec la majorite des plus grands films de guerre de l'histoire du cinéma US), autant qu'une naïveté peut-être confondante (jusque dans ses punchlines méchamment régressive), mais toujours sincère (que ce soit dans son matraquage moins en règle de l'URSS, que son hommage aux combattants de la liberté afghans, les moudjahidine).

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Raillé/parodié par beaucoup (coucou Jim Abrahams), voire même vilipendé comme étant pro-talibans par des critiques mal informés (et ne cherchant sans doute pas à l'être non plus), Rambo III est une oeuvre généreuse, parfois maladroite mais au souffle épique puissant, l'un des derniers représentants des divertissements d'aventure " à l'ancienne "; une suite ou le respect mutuel et l'humanité semble désormais incarner le phare vibrant d'un John Rambo aux idiosyncrasies joliment mise à nue à l'écran, par un Sly plus en forme que jamais face caméra.
Un héros torturé mais au final en paix, qui entrevoit pendant un temps l'avenir avec un minimum d'espoir, avant que l'on découvre deux décennies plus tard, que la cruauté et la monstruosité de l'homme n'aura fait que grandir la fureur qui habite en lui.
La saga n'avait décemment pas encore terminé de se redéfinir... pour le meilleur.


Jonathan Chevrier


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