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[CRITIQUE] : Dans un jardin qu’on dirait éternel


Réalisateur : Tatsushi Omori
Acteurs : Haru Kuroki, Kirin Kiki, Mikako Tabe, Mayu Harada,...
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Japonais.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Dans une maison traditionnelle à Yokohama, Noriko et sa cousine Michiko s’initient à la cérémonie du thé. D'abord concentrée sur sa carrière dans l’édition, Noriko se laisse finalement séduire par les gestes ancestraux de Madame Takeda, son exigeante professeure. Au fil du temps, elle découvre la saveur de l’instant présent, prend conscience du rythme des saisons et change peu à peu son regard sur l’existence. Michiko, elle, décide de suivre un tout autre chemin.



Critique :


Nous vivons des moments compliqués à définir. Le confinement, chacun le vit différemment, selon notre environnement. C’est pourquoi avoir l’occasion de visionner le nouveau film de Tatsushi Omori, Dans un jardin qu’on dirait éternel, est une sacrée expérience. En s’intéressant à une tradition ancestrale, la cérémonie du thé, le réalisateur suit une jeune femme, des débuts de sa vie d’adulte à sa quarantaine. Elle se cherche, intimement, ainsi que professionnellement. Via l’apprentissage, Noriko va aller chercher la compréhension du dicton “chaque journée est une bonne journée” qui s’oppose à la frénésie collective et habituelle de notre monde. Quel est le sens caché de cette simple phrase ? Il faut peut-être toute une vie pour le découvrir. 

Copyright Art House
 
Adapté du livre de Noriko Morishita, La Cérémonie du thé, paru en 2008 au Japon, Dans un jardin qu’on dirait éternel reprend le récit initial, une jeune femme qui va apprendre pendant de longues années tous les gestes complexes de la préparation du thé, s’y plonger pleinement et persister malgré les aléas de sa vie intime. Le film a même une saveur particulière, étant le dernier film de la célèbre actrice Kirin Kiki, qui interprète ici Madame Takeda, l’enseignante de Noriko (Haru Kuroki) et de sa cousine Michiko (Mikako Tabe). Nous découvrons la jeune fille, à l’aube de ses vingts ans, suivant des cours à la fac. Mais si ses amies qui l’entourent savent ce qu’elles feront après le diplôme, Noriko, elle, se cherche encore. Élève sérieuse, appliquée, bien que considérée comme extrêmement maladroite par sa famille, Noriko suit le chemin de nombreux jeunes, qui s'apprêtent à se lancer dans la vie active, parce que c’est la chose à faire. C’est par hasard que Noriko et sa cousine Michiko prennent le chemin de l’immense demeure de Madame Takeda. La cérémonie du thé leur semble amusante et un moyen de décompresser le samedi après-midi, après une longue semaine de cours. Car le thé, cela n’a pas l’air aussi compliqué, n’est-ce pas ? Mais nous apprenons vite, en même temps que les deux cousines, que ces cours sont plus que cela, l’apprentissage du thé s’apparentant à une véritable philosophie de vie. En enlevant leurs chaussures à l’entrée, Noriko et Michiko se débarrassent de la vie active, de la société qui leur trace une route sans grande surprise, pour rentrer dans un monde différent. Le temps se suspend, les gestes se répètent, le silence prend place. Chaque mouvement, chaque respiration ont leur importance. 

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La mise en scène suit ce principe et s’épure de plus en plus. Le réalisateur choisit de s’attarder sur la préparation du thé, minutieusement, ce qui paraît aux spectateurs, ainsi que les personnages, terriblement redondant. La majorité du film se passe dans la demeure de Madame Takeda, où une douce chaleur se répand, par l’image et par le son de chaque instrument utilisé. L’eau qui s’écoule, le tintement des bols, le frottement des pieds sur le tatami, tout est fait pour s’imprégner de l’ambiance. Ce minimalisme forme un contrepoint avec la vie moderne, où les sons sont tonitruants, où la lumière se refroidit, se fait criarde dans un karaoké. Alors que Noriko se perfectionne dans les gestes du thé, sa vie en dehors du tatami n’est pas du même acabit. Elle sent qu’elle n’est pas faite pour une vie traditionnelle, tout en ne jugeant pas sa cousine du même âge, Michiko, qui finit par lâcher les cours de thé pour fonder une famille. Le film n’hésite pas à critiquer fortement le capitalisme, la vie professionnelle qui ne fait que lisser les individus, au lieu de les laisser éclore. Noriko souffre de ces échecs, mais profite d’autant plus du privilège que lui offre Madame Takeda, ainsi que ses parents, qui la soutiennent dans tout ce qu’elle entreprend.

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Kirin Kiki fait office d’une bouffée d’air frais, son calme olympien et son regard où l’empathie se reflète enchantent le film, à l'instar de son rôle de cuisinière dans Les délices de Tokyo, de Naomi Kawase. Madame Takeda n’appartient pas au monde, d’ailleurs le film ne la montre jamais à l'extérieur de sa maison. Elle propose une autre solution que cette frénésie, les questions existentielles qui nous traversent. Le temps ne lui fait pas peur et elle s’étonne même quand Michiko lui fait la remarque sur le nombre d’année où elle utilise certains bols (ornés des différents animaux qui symbolisent l’année en cours). Plus que la préparation du thé, elle inculque à ses élèves le lâcher-prise, les joies minimes, la constance, l’apprentissage et le temps qui passe, qui se révèle bénéfique. “Le bonheur, ne serait-ce pas précisément de pouvoir refaire inlassablement les mêmes choses ?” leur dit-elle, en souhaitant à Noriko et ses amies la nouvelle année. “Chaque journée est une bonne journée” apparaît comme un mantra qui célèbre la vie, car chaque journée, chaque minute qui passe, chaque geste nous apprennent quelque chose sur nous-même et les richesses qui nous entourent. 

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Dans un jardin qu’on dirait éternel devrait sortir à la réouverture des cinémas, au moment où la frénésie, bien humaine, sera à son comble. Nous espérons sincèrement qu’il trouvera son public, car son atmosphère calme, sa mise en scène minimaliste et consciemment redondante offrent un film doux, une bulle de sérénité aux odeurs de thé, réconfortantes.




Laura Enjolvy





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