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[SƎANCES FANTASTIQUES] : #2. Lady in The Water

© 2006 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'oeuvre de la Hammer, que des pépites cinéma bis transalpin en passant par les slashers des 70's/80's; mais surtout montrer un brin, la richesse d'un cinéma fantastique aussi riche qu'il est passionnant à décortiquer.
Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !

 


#2. La Jeune Fille de l'eau de M. Night Shyamalan (2006)

 
Tous ceux qui au début des années 2000, après les sorties monumentales de Sixième Sens et Incassable, voyaient en M. Night Shyamalan un futur Steven Spielberg en puissance, roi de l'entertainment racé et intelligent, ont vite dû se bouffer les yeux à la petite cuillère passé le ventre mou de ces mêmes années; même si la fin de la dernière décennie a permis au bonhomme de s'offrir un second souffle salvateur.
Non seulement il n'avait pas vraiment su confirmer son potentiel statut (beaucoup trop vite offert par les critiques, on est d'accord) avec ses péloches suivantes - tout aussi divertissant et réussis que furent Signes et Le Village -, mais surtout en à peine dix ans, il avait accomplit la prouesse de devenir le paria number two du tout Hollywood juste derrière Uwe Boll.

La machine à rêve Hollywoodienne est une putain ingrate, mais Shyamalan n'était pas totalement à plaindre, vu qu'il s'était amusé à donner autant qu'il l'a pu, le bâton pour se faire battre plus que de raison; l'exemple parfait du money maker chouchou du système, dorloté à coups de projets bandants avant d'être copieusement lynché, avalé puis salement recraché par l'industrie.

© 2006 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

Un parcours prenant les contours d'une descente aux enfers incontrôlable, dominée par la mauvaise idée du lascar de vouloir construire sa propre légende plutôt que de la servir intelligement.
Avec une sale image de mégalomane suffisant et caractériel collée avec de la super glue-3 sur le front, Shyami a vraiment commencer à se mettre ses fans à dos avec le pourtant convenable La Jeune Fille de l'eau, sorte de version rallongé d'un épisode de la Twilight Zone, pas toujours adroit mais avec un coeur gros comme ca; une petite bande paradoxale qui peut tout autant se voir comme un ego trip irritant et ridicule, sorte de caprice douteux d'un cinéaste artistiquement et créativement à bout de souffle.

Impossible pourtant, de ne pas y voir un vrai et sincère cri du coeur, de la part d'un faiseur de rêves conscient que sa relation privilégiée avec le public se dégrade, et qui tente tout, avec la maladresse (et le manque de confiance en son mojo et son pouvoir de conteur, qui va avec) évidente qui en découle, pour la retrouver... en vain.
Véritable conte de fées prenant le contre-pied de The Village, en prônant le pouvoir de l'imaginaire comme une croyance merveilleuse et positive (là où elle était précédemment dépeinte, comme un outil manipulateur puissant, totalement en phase avec une société américaine moderne engoncée dans le mensonge et la peur); Lady in The Water suit les aléas de Cleveland Heep (Paul Giamatti, comme on l'aime : un bon gros nounours attachant), gardien d'immeuble aussi bon avec son prochain qu'il est discret, mais qui rencontre un problème de taille dans son travail.

En effet, le bonhomme commence à en avoir ras la cacahuète qu'on utilise la piscine de la résidence ou il travaille, en dehors des heures autorisés, mais il va vite découvrir que ce dit hors-la-loi est en fait une jeune femme délicate et fragile, Story (Bryce Dallas Howard, sublime et juste, dans un rôle peu évident), qui affirme être originaire d'un endroit magique : le Monde Bleue.
Se réfugiant dans notre monde, persécutée par une créature féroce, elle ne pourra revenir chez elle et accomplir son incroyable destinée, qu'avec l'aide du pauvre Cleveland, qui va s'en occuper comme de sa propre fille...

© 2006 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

Fable universelle façon belle et enthousiasmante réflexion sur l'imaginaire, épousant autant les qualités que les défauts de sa candeur poignante, Shyamalan réussit la prouesse aussi bien de créer un fantastique à la puissance émotionnelle rare, envahissant frontalement notre quotidien (ce qui le rend d'autant plus crédible), que de s'auto-saborder en laissant son penchant revanchard contre Hollywood, empoisonner la cohérence de son histoire.
Et là encore, pourtant, difficile de ne pas y voir dans cette mise en avant abusive de lui-même (il campe dans le film, un écrivain capable de réécrire l'intrigue de l'histoire... d'accord), la sincérité/naïveté maladroite d'un grand garçon que l'on a adulé trop vite, et qui ne veut pas que le système le recrache encore plus rapidement, quitte à lui chier un brin dans les bottes (voir le journaliste/critique, qui ne fera pas long feu).

Sale gosse, le Shyami ?
Assurément, mais il est aussi et surtout, un conteur capable de croquer des envolées lyriques bouleversantes, aux personnages empathiques et follement humains, même dans des films qui peuvent être considérés comme " mauvais ".
Ce que n'est absolument pas, quoi qu'en diront certains, La Jeune Fille de l'eau, dont la mise en scène symbolique et élégante, est sans doute la plus maîtrisée de son cinéaste, après Incassable...


Jonathan Chevrier