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[CRITIQUE] : Le Colocataire


Réalisateur : Marco Berger
Acteurs : Alfonso Baron, Gaston Re, Justo Calabria, Antonia De Michelis,...
Distributeur : Optimale Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Argentin
Durée : 1h51min

Synopsis :
Juan doit vite trouver un colocataire après le départ de son frère. C’est finalement Gabriel, son collègue charmant et taciturne, qui emménage. Ce qui débute comme un arrangement innocent se transforme rapidement en attraction naissante, puis en passion…



Critique :


Le nom de Marco Berger est devenu, au fil du temps, synonyme de désir. Le réalisateur argentin l’utilise comme moteur pour raconter ses histoires homo-romantiques, homo-érotiques, son précédent long-métrage, Taekwondo étant le paroxysme de son cinéma. Avec Le Colocataire (Un Rubio en VO), Berger retrouve Gaston Re, qui interprète le blond en question et signe un huis-clos minimaliste mais qui en raconte beaucoup sur le désir, sur la classe ouvrière d’Argentine.


Copyright Optimale Distribution


À Buenos Aires, Juan cherche un nouveau colocataire suite au départ de son frère. Il invite un de ses collègues à s’installer avec lui, Gabriel, un jeune veuf. Il a une fille, qui habite chez ses grands-parents, faute de mieux. Autant Juan est un bon vivant, séducteur, qui reçoit souvent du monde chez lui, autant Gabriel est introverti, réservé, qui ne parle uniquement si c’est obligatoire. Leur colocation se passe bien, Juan enchaîne les conquêtes, les bières et Gabriel, les livres. Chacun respecte l’espace de l’autre, surtout Gabriel, qui par son caractère calme et discipliné, se fond dans le décor et dans la vie mouvementée de Juan. Berger décide de rester en grande partie dans l’appartement des deux jeunes hommes, à part pour des rares sorties. Cela lui laisse l’occasion de placer une attente chez le spectateur. Qu’est-ce qui va se passer ? Au premier abord, Le Colocataire nous paraît long, répétitif. Il faut être fin observateur, car il n’y a aucune répétition. Si les actions se répètent, les gestes, les regards, eux, diffèrent à chaque fois. Un désir naît chez Gabriel, qui regarde plus attentivement chaque mouvements de Juan, chaque respiration. Juan n’est pas en reste et multiplie les poses, les regards lourds de sens. Mais rien ne se passe. Timidité, indécision, peur ? Nous voyions bien vite que ces deux hommes ne sont pas “out” auprès de leur proche. Affronter leur attirance revient à affronter une sexualité qui n’ont peut-être pas envie qu’elle soit connue de tous.


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À l’instar de ces précédentes œuvres, la caméra est un élément capital du film. Elle s’insinue entre les deux protagonistes, se fait réflexion des regards qu’ils s’envoient, un jeu de séduction auquel nous participons. La caméra est organique, les enveloppe d’un regard désirable. Objet de désir, objet de fantasme, ce suspens pourrait tenir l'entièreté du film tant Berger sait manier la tension. Mais le réalisateur décide de creuser dans l’après. Une fois que le désir est consommé, qu’est-ce qui se passe ? Les sentiments s’installent, beaucoup moins éphémères qu’un désir sexuel. Ils sont plus profond, mais aussi plus douloureux. En faisant en sorte que Juan et Gabriel consomment leur passion au milieu du film, Marco Berger se laisse de l’espace pour explorer ce questionnement. Les deux personnages se cachent, s’embrassent, se désirent, mais cela peut-il durer éternellement ?


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Gaston Re et Alfonso Baron interprètent ces deux colocataires. Comme la mise en scène, leur jeu est minimaliste, intériorisé. Tout passe par les yeux et le toucher. Des mains qui se frôlent, qui s’attrapent, qui agrippent. Le cinéma de Berger met en exergue les sens et Le Colocataire ne fait pas exception. C’est un film de sensation, qui ici s’approche du personnage de Gabriel. Hyper-sensible, un rien l’embrase, un rien le fige et le fait douter. Tandis que Juan continue de vivre sa vie, de sortir avec ses copains, de coucher avec des femmes, celle de Gabriel est bloquée par cette relation secrète, il est en attente du bon vouloir de Juan, d’un regard, d’une attention, qui ne vient qu’avec parcimonie. Au travers des amis des deux jeunes hommes, du travail à l’usine, le réalisateur nous montre le machisme qui entoure Gabriel et Juan, dans une classe ouvrière qui offre peu de choix en terme d’avenir professionnel. Ces hommes ne se retrouvent là par obligation, car rien d’autre ne leur est accessible. Marco Berger l’a bien précisé dans le dossier de presse du film : “Si on ne peut pas choisir notre travail, comment choisir notre façon d’être ?”. C’est un engrenage où il est difficile de s’y extraire, pour faire face aux préjugés. Une homophobie latente, qui au lieu de les unir va finir pas les briser.


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S’inscrivant parfaitement dans l’oeuvre de Marco Berger, Le Colocataire est un jeu de séduction, une expérience douce-amère d’une relation vouée à l’échec. D’une sensibilité à fleur de peau, le film raconte comment la plus tendre des passions peut être aussi la plus cruelle. Peut-être son meilleur film.


Laura Enjolvy 


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